REVUE DE PRESSE – Pour la semaine du 24 au 30 mai 2021, une bonne partie des journaux tchadiens ont  consacré essentiellement leurs colonnes aux nominations faites par le président du Conseil militaire de transition et à la prise en otage de la ministre de l’Enseignement supérieur par les étudiants au campus de Toukra.

« Le népotisme gagne du terrain sous le CMT »

A la tête du pays depuis plus d’un mois, le Conseil militaire de transition, à travers son président le général Mahamat Idriss Déby, a procédé à de nombreuses nominations à des postes de responsabilité tant au niveau civil que militaire, notamment les gouverneurs de six provinces, les nominations à la Présidence de la République, à la Direction générale des services de sécurité des institutions de l’Etat (DGSSIE), etc. Des nominations que beaucoup de journaux tchadiens critiquent.

« Le népotisme gagne du terrain sous le CMT », pointe L’Observateur. Ce journal estime que Mahamat Idriss Déby qui dirige le Tchad depuis le 20 avril 2021, « excelle lui aussi, en politique d’exclusion et de népotisme. En un mois de règne, les actes de nominations des personnalités dans les grandes institutions de l’Etat ne se résument qu’au cercle familial et amical ». L’Obs étaye sa thèse par les nominations à la DGSSIE et des gouverneurs le 21 mai 2021. A la DGSSIE, écrit-il, sur les 37 personnes promues, « l’on constate qu’elles sont en majorité issues du clan régnant. Aucun officier militaire des régions du sud, de l’Ouest (le Kanem géographique) et du Ouaddaï ne figurent sur cette liste ». Au sujet des six gouverneurs, « il n’y a toujours pas une personnalité de la zone méridionale du Tchad ». Le journal de Sy Koumbo Singa Gali, qui se demande si sur les 15 ou 16 millions de Tchadiens, en dehors des membres du clan au pouvoir et de leurs alliés, il n’y a pas d’autres cadres tchadiens compétents et méritants capables d’occuper les postes de responsabilités dans les grandes institutions étatiques, conclut que c’est « Une volonté manifeste à exclure les autres Tchadiens de la gestion des affaires publiques ».

L’éditorialiste de N’Djamena Hebdo renchérit que « MIDI Jr s’illustre par  le même clientélisme, le même clanisme, le même népotisme, autant de tares qui ont caractérisé les trente ans de règne de MIDI Sr ». Et Hebdo de craindre que « Le pire pour les Tchadiens est qu’il soit là ou qu’un de ses frères (…) vienne à marcher pendant trente autres années sur les traces d’un père qui a laissé derrière lui un pays pauvre (malgré les recettes astronomiques du pétrole engrangées), miné par les injustices sociales et au bord de l’implosion ».  

Abba Garde ne dit pas autre chose avec cette formule : « renforcement de la cohésion clanique ». Ce journal qui parle également de la nomination des gouverneurs et des officiers à la DGSSIE déduit que « l’unité des Zaghawa l’emporte sur les vraies questions nationales urgentes ». Pour lui, les groupes Kobé, Douroun, Bidéyat et Borogate sont, pour un début, « bien servis dans le partage des postes de responsabilité ». Tout cela, poursuit-il, « pour dissiper les frustrations léguées par le père et reconsolider la solidarité et la cohésion du groupe ».

Lydie a eu chaud à Toukra

« Lydie Béassemda frôle la mort », titre La Voix. Ce hebdomadaire écrit qu’en visite de travail au sein du complexe universitaire de Toukra, la ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Lydie Béassemda , « a failli être lynchée par des étudiants courroucés ».

L’Observateur qui évoque un « jeudi noir » pour Lydie Béassemda donne plus de détails. Selon ce journal, la ministre a été prise à partie et sa voiture et celle de son Secrétaire d’Etat ont été caillassées et calcinées par les « étudiants très en colère ». L’Obs qui condamne l’acte des étudiants estiment toutefois que c’était une erreur d’effectuer une visite inopinée car, « on savait que, ces “têtes brûlées” n’allaient pas regarder leur ministre, sans agir, vu leurs conditions d’études actuelles. Leur souffrance a atteint le summum ».

Pour Abba Garde, c’est tout simplement « Le folklore [qui] a failli tuer Lydie ». « En sa qualité de ministre et ancienne étudiante de l’université de N’Djamena, qu’ignore-t-elle des conditions de travail et d’études dans cette institution ? A-t-elle besoin de se déplacer personnellement pour constater l’évidence ? N’y a-t-il pas des services compétents en la matière dans son département ministériel ? », s’interroge cet hebdomadaire. Le journal de répondre lui-même que « Son déplacement est à mettre dans le registre du folklore auquel l’on a habitué les gérants de ce pays ».

Le Sahel du lundi 24 mai 2021, lui, condamne l’acte des étudiants. Un acte qu’il qualifie de « vandalisme qui ne rime pas avec le titre d’étudiant ». Car, pour ce quotidien qui prédit que « parmi eux, il y a des futurs ministres », pour se faire entendre, « il n’y a pas que la violence comme l’unique moyen de s’exprimer ».