SCIENCE – Un article scientifique, produit par 4 chercheurs, dont nous avons relayé les conclusions, révèle que Toumaï est un animal qui se déplaçait à 4 pattes. « C’est très malhonnête de dire une chose pareille », rétorque le Professeur Mackaye Hassan Taïsso, paléontologue tchadien, qui conteste cette révélation et fait une mise au point.

Le Pr. Mackaye Hassane Taïsso est paléontologue et ex-ministre tchadien de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Il est membre de l’équipe de Michel Brunet, qui fait la découverte du fossile d’Abel et le crâne du plus vieux hominidé baptisé « Toumaï ». Depuis lors, son équipe – Mission paléoanthropologique franco-tchadienne – basée à Poitiers en France, et lui travaillent sur les différents fossiles retrouvés au Tchad. D’ailleurs un de leurs manuscrits est actuellement en examen pour publication.

L’article qui dérange Taïsso aujourd’hui est celui d’une équipe de 4 chercheurs, également basée à Poitiers. Leur travail a été publié le 1er novembre, dans la célèbre revue scientifique ‘’Journal of Humanity Evolution’’. Cette équipe est dirigée par le Professeur Roberto Macchiarelli, aux côtés duquel on trouve son ancienne étudiante Aude Bergeret et les chercheurs Damiano Marchi et Bernard Wood. Ils ont étudié le fémur (l’os de la jambe) de Toumaï et ont déclaré : « les résultats de notre analyse fonctionnelle préliminaire suggèrent que le TM 266, diaphyse fémorale, appartient à une personne qui n’a pas l’habitude bipède».

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« C’est faux et malhonnête du point de vue éthique », réplique Taïsso qui signe et persiste que Toumaï est bel et bien bipède. « Vous avez suivi pendant très longtemps que le berceau de l’humanité était en Afrique de l’Est avec tout ce qui a été découvert là-bas. Puis après la découverte de Toumaï, le berceau de l’humanité semble se déplacer plus vers l’Afrique Centrale », précise Taïsso, avant de dire que la recherche est très dynamique.

Selon Mackaye Taïsso, « Si vous faites un tel boum dans l’histoire, dites-vous bien que ceux de l’équipe en face, qui avait la gloire et le monopole, ne vont pas accepter d’être détrôné, d’où cette réaction qui se fait en chaine. Mais ce qui est important dans ce jeu, ce sont des arguments scientifiques. Il faut que chacun vienne avec ses arguments scientifiques pour défendre sa position ».

L’integralité des explications du professeur Mackaye Hassan Taïsso

« Ma réaction suite à la publication de votre article, c’est que dès la découverte de Toumaï, des voix se sont élevées. Mais c’est une équipe française qui travaillait en Ouganda en ce moment-là, qui a commencé à dire de Toumaï que ce n’est pas un hominidé, mais une paléogorillette. Ça c’était en 2002, lorsque notre premier article était sorti pour annoncer la découverte de Toumaï.

Il a fallu qu’en 2004, nous sortions un article dans lequel on a apporté des arguments scientifiques qui prouvent que le crâne de Toumaï est bien celui d’un bipède, puisque le trou occipital (trou par lequel passe la moelle épinière) se situe au bas du crâne comme chez l’homme. Alors que chez un animal qui va à quatre pattes, le trou occipital n’est pas au bas du crâne, mais il est au niveau de l’arrière du crâne. Donc avec ces arguments, on a prouvé clairement que Toumaï est un bipède. C’est donc en 2004 que nous avons définitivement réglé la question que Toumaï est bipède.

Depuis lors, toutes les équipes qui nous contestaient s’étaient calmées. Puis là vous avez une autre équipe, dirigée par un professeur qui est bien sûr à Poitiers, mais qui n’est pas dans notre équipe, qui a simplement voulu salir ce que nous étions en train de faire. Il a pris cet os long (fémur gauche) que nous avions confié un temps à une étudiante pour faire son mémoire de master. Donc cette étudiante qui travaillait un peu avec ce professeur, (bien évidemment, quand un étudiant prépare un master, ou licence, on lui donne il fait des photos sur ce spécimen), a fait des photos. Ce sont ces photos qu’il a gardé par devers lui, pour les publier hier là, en voulant simplement nous faire peur parce qu’il a appris que notre article était en train de sortir. Donc c’est très profond en réalité. C’est un problème de règlement de compte.

Et donc ce règlement de compte là, il a publié en disant qu’en effet Toumaï est un quadrupède. Vous imaginez ce que ça fait comme boum dans le domaine de la recherche quand vous dites quelque part qu’il est bipède et quelqu’un qui arrive après vous dit que non, il est quadrupède ? Ce n’est pas fondé. Il ne peut pas démontrer scientifiquement. Vous verrez d’ici fin décembre notre article va sortir et cet article va recadrer tous. L’article qui va sortir porte sur d’autres pièces. Et c’est de là que nous allons prendre en compte le fémur actuel.

Je voudrais rappeler enfin à vos lecteurs qu’aucun des 4 signataires de cet article n’a été mandaté ni par les responsables tchadiens, ni par la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne, pour une étude anatomique de ce fémur. Ce qui pose un problème fondamental d’éthique dont il va falloir qu’ils assument les conséquences ».