Après le lancement d’un emprunt obligataire (100 milliards) le 10 décembre 2022, le gouvernement a annoncé le 5 janvier courant avoir réuni 100 milliards 407 millions. Qu’est-ce qu’un emprunt obligataire ? Quelles ses conséquences sur l’Etat tchadien ? Max Kemkoye, économiste-gestionnaire, explique.

1/ Qu’est-ce qu’un emprunt obligataire ?

Ah ! C’est une question à trait pédagogique, je voudrai dire scolastique. Vous avez, c’est un concept qui n’est pas nouveau au Tchad puisque différents gouvernements successifs en ont eu recours dont on ignore ce à quoi, ces emprunts récurrents ont pu servir et qui à l’arrivée ont plombé davantage le Tchad dans le cercle vicieux de la dette.

Ceci dit, si vous voulez, l’emprunt obligataire est l’un des instruments financiers faisant partie des prestations financières sur les marchés directs des capitaux où sont souscrits et s’échangent directement et librement des titres négociables qui sont différents des instruments sur le marché secondaire autrement dit la bourse.

Bref, c’est une créance ou dette pour que ça soit compris par tous. Et comme toute dette, elle est exigible, c’est-à-dire remboursable à une date fixe sur la base d’un taux d’intérêt convenu et qui peut être fixe ou variable mais applicable sur l’ensemble ou le montant total de la créance suivant l’annuité déclarée.

2/ Qui peut le lancer ? Et comment ?

A la question de qui peut le lancer, sachez que l’emprunt obligataire, bien qu’il ne soit pas du domaine exclusif, c’est-à-dire fermé, il est généralement le fait d’entités morales ou personnes morales, entre autres, l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises publiques ou privées.

Ce faisant, l’emprunteur, en fonction de son besoin de financement arrête par exemple un montant de 100 milliards et procède au fractionnement de ces 100 milliards en plusieurs obligations qu’il libère sur le marché primaire. Et les souscripteurs peuvent y souscrire directement.

3/ Quelles sont les conditions à remplir pour avoir cet emprunt ?

Puisqu’il s’agit d’un marché de capitaux, les acquisitions ne sont pas ouvertes à tous surtout que les obligations sont libérées par des entités comme les États et autres. C’est pourquoi, ne peuvent y accéder que les investisseurs corporates ou institutionnels.

4/ Quels sont ses avantages et inconvénients pour notre pays ?

Vous savez, comme tout endettement, l’emprunt obligataire a un côté pile et un coté revers. Le côté pile, c’est qu’il vous permet en tant qu’Etat de faire face à vos besoins en capitaux à l’immédiat.

Et le désavantage, c’est la ponction à opérer sur votre surface financière ultérieure dont vous n’avez aucune maitrise du fait du caractère conjoncturel de l’économie nationale et mondiale. Au moment du remboursement, si votre trésorerie n’est pas en mesure de le supporter, c’est la crise généralisée voire la faillite d’Etat puisque l’emprunt obligataire est remboursable à une date fixe et en une fois.

Imaginez qu’à date, le prix du baril du pétrole tombe à 20 dollars et qu’en même temps, une crise mondiale à l’image du COVID-19 ayant entrainé la fermeture des frontières, compromettant ainsi les recettes d’importations dont douanières arrive. Que fera le gouvernement ?

C’est pourquoi, pour tout gouvernement, l’usage de l’emprunt obligataire doit être un choix optionnel bien analysé du fait de l’incertitude économique d’autant plus que l’amortissement de toute dette et ses charges se font sur un montant fixé à l’avance auquel l’on n’est jamais sûr le moment venu, d’obtenir une balance de trésorerie optimale entre avantage et risque potentiel surtout pour un pays comme le Tchad qui tire généralement ses ressources du pétrole qui est un actif volatile et de l’importation, aussi dépendante de la conjoncture internationale.

Généralement, la recapitalisation est un actif risqué tant pour une entreprise, collectivité ou Etat. C’est pourquoi, on conseille toujours que pour le faire, il faut préalablement s’assurer et savoir jouer avec l’effet de levier.

Est-ce que le gouvernement tchadien le fait, je dirais non ! Dans la mesure où, l’on va d’endettement à endettement jusqu’à deux moratoires consécutifs relatifs à la dette des créanciers privés du Tchad.

Aujourd’hui, si le Tchad y a encore recours, c’est parce qu’il n’y a pas une année, le Tchad était classé parmi les pays en détresse financière. Et vu son niveau d’endettement, même au niveau de la dette intérieure, les banques primaires rechignent à prêter de l’argent à l’Etat. C’est ainsi qu’il est obligé de prêter hors circuit bancaire traditionnel dont le mécanisme de l’emprunt obligataire.

Conseil gratuit aux gouvernants tchadiens : on n’emprunte pas pour financer le fonctionnement. On emprunte pour investir et il faut que cet investissement soit productif ou ait un retour. Et l’une des conditions fondamentales c’est la maitrise de l’effet de levier.