Implications fiscales, économiques et sociales de l’exonération de TVA et droits de douanes sur les produits alimentaires de première nécessité au Tchad

La politique fiscale du Tchad pour l’exercice 2019 est élaborée dans un contexte marqué par les reformes structurelles. Ces reformes visent à renforcer l’Etat de droit et à enraciner la démocratie à travers la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance afin de garantir l’efficacité et l’efficience de l’action publique, à la faveur de l’amélioration des conditions de vie de la population. 

L’idée de rendre les produits alimentaires plus accessibles en supprimant leur taxation peut avoir des vertus. C’est dans cette vision que, le ministère des Finances et du Budget et celui des Mines, du Développement industriel, commercial et de la Promotion du Secteur privé ont signé le vendredi 10 mai un arrêté conjoint pour exonérer de TVA et des droits de douanes sur les produits de première nécessité, qui faciliterait l’accès aux produits alimentaires et à l’énergie pour les plus démunis.

C’est dans le dessein de faire face à la cherté de vie que le gouvernement tchadien a décidé d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits de douane les produits de première nécessité notamment le riz, la farine, l’huile et les pâtes alimentaires. L’annonce a été communiquée par arrêté conjoint des ministères des Finances et du Commerce, le 11 mai 2017.

Cet engagement du gouvernement vient appuyer l’opération Juste Prix, lancée le 02 mai par la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et d’artisanat (CCIAMA). L’objectif est d’apporter des solutions concrètes à la cherté de vie décriée par la population tchadienne.

Les produits exonérés des droits de douane sont indiqués conformément au tableau ci-après :

Nature du produit Anciens taux Nouveau taux
Riz 5% 0%
Farine 5% 0%
Huile 30% 0%
Pâtes alimentaires 30% 0%

Les produits exonérés de la Taxe sur la valeur ajoutée sont indiqués conformément au tableau ci-après :

Nature du produit Anciens taux Nouveau taux
Riz 0% 0%
Farine 0% 0%
Huile 18% 0%
Pâtes alimentaires 18% 0%

Une décision de l’Exécutif qui aura certainement des répercussions directes sur le panier de la ménagère au Tchad. L’arrêté conjoint publié des ministères tchadiens des Finances et du Commerce ont annoncé l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des droits de douane des produits de première nécessité, notamment le riz, la farine, l’huile et les pâtes alimentaires.

Cependant, ces produits restent assujettis lors des importations au paiement de taxes ci-après :

  • Redevance statistique de 2% ;
  • Taxe communautaire d’intégration (TCI) de 1% ;
  • Contribution communautaire d’intégration (CCI) de 0,4% ;
  • Taxe union africaine (TUA) de 0,2%.

Quels sont les effets d’une baisse d’impôt sur l’économie, sur le social et sur le fiscal ? Tous les impôts ont-ils le même impact ?

L’impact économique

Contrairement à une opinion répandue, l’exonération de TVA constitue le plus souvent un handicap pour le producteur local : la TVA affectant les consommations intermédiaires nécessaires à l’élaboration du produit local exonéré n’est pas déductible et constitue de ce fait un coût définitif.

Le producteur local supporte une rémanence de TVA, alors que les importations concurrentes ne subissent aucune charge de TVA. Le producteur local, notamment le producteur agricole, subit du fait de l’exonération de TVA une protection effective négative qui abaisse parfois très fortement son revenu.

Pour la production locale tout d’abord, les producteurs locaux voient leur protection tarifaire diminuer alors qu’avec cette protection tarifaire, l’exigibilité de TVA et les autres droits et taxes permettaient à ces producteurs de faire face aux concurrences étrangères.

De plus, dans le contexte actuel de la mondialisation, toute distorsion au détriment des productions locales stimule l’importation de marchandises très compétitives adaptées à des marchés à faible pouvoir d’achat : nombre de producteurs africains (riziculteurs, éleveurs de volailles, fabricants de bougies, de savon, etc.) sont victimes de ce phénomène.

L’impact social

Contrairement aux producteurs, qui sont moins bénéfiques au non-assujettissement à la TVA et droits de douanes de leurs produits, les consommateurs voient les prix baisser en raison de l’exonération de la TVA et des droits de douanes sur les produits de première nécessité.

L’assujettissement à la TVA se traduit par une augmentation des prix à la consommation et les consommateurs les plus défavorisés peuvent basculer dans la pauvreté.

Toute fois d’un point de vue sociopolitique, il est indispensable de disposer d’une évaluation détaillée de l’impact de la réforme et de prévoir des mécanismes de compensation pour les catégories défavorisées.

Les effets sur les prix à la consommation

Du côté du consommateur, une exonération de TVA et droits de douanes devrait baisser les prix en rayon, et donc aussi relancer la consommation. A condition que les industriels et les importateurs jouent le jeu et n’en profitent pas pour augmenter leurs marges. L’idée de rendre les produits alimentaires plus accessibles en supprimant leur taxation peut avoir des avantages, ce qui faciliterait l’accès aux produits alimentaires.

Les effets à travers le budget de l’Etat

Dans la mesure où si les dépenses publiques sont gérées de manière efficace et permettent effectivement une réduction de la pauvreté, la préservation du niveau des ressources publiques et donc de celui de l’offre de biens publics est socialement désirable.

Cependant, toute diminution de l’assiette de TVA pèse sur le budget de l’Etat.

Enfin, dans une vue restreinte à la TVA, un rendement brut plus élevé de cet impôt devrait favoriser le bon fonctionnement des remboursements de TVA, qui constituent une condition fondamentale à la neutralité économique de la TVA.

Les études d’impact de la réforme

Afin d’éviter les réactions de rejet a priori et de permettre la définition d’une politique pertinente, il est essentiel que les effets de diminution de l’assiette de la TVA et autres impôts soient bénéfiques aux consommateurs finaux.

Ces études peuvent permettre d’identifier les groupes touchés de manière négative et de prévoir si nécessaire des mesures de compensation. Par exemple, il est essentiel que les producteurs locaux qui ne sont pas bénéficiaires de cette réforme soient accompagnés en vue de faire face à la concurrence avec les importateurs.

Auteur : Fidele Moussa Ollo, Juriste-Fiscaliste, senior consultant, Consulting Africa Tchad et contributeur externe à Tchadinfos.com.