Bertille Kogongar, infirmière diplômée d’Etat, a été intégrée en 1990 comme aide soignante à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Dévouée dans son travail, après plus de 30 ans de service, elle est admise en retraite en décembre 2021. Avec ses droits que son employeur lui a versés, elle s’est acheté un minibus, qu’elle a mis en circulation sur l’axe Gassi – Grand marché. Ce qui étonne plus d’un tchadien, c’est elle-même qui est à la manette de ce minibus.


Bertille, mariée, mère d’une fille, elle aussi mariée vivant au Canada, est devenue conductrice de minibus sur l’axe Gassi – grand marché de N’Djaména.

A l’aube de ce mercredi 30 mars, Bertille, après que son neveu, a fini de laver sa voiture, monte pour chauffer le moteur avant de sortir mettre sur la route à la recherche de la clientèle.

De chez elle, au quartier Abena, dans le 7ème arrondissement, Bertille se dirige vers le rond-point à double voies où elle a stationné, pour attendre les clients. Au volant, avec son apprenti, elle préfère bien respecter le code de la route d’où les clignotants, les coups de klaxon, pour ne pas paraître comme les autres conducteurs de bus de la capitale, en majorité arrogants et sans aucun respect du code de conduite. « J’ai passé mon permis de conduire depuis 2013 et pour cela, le respect du code de la route reste la meilleure façon de faire dans cette capitale où le respect de ce code pose un véritable problème », explique Mme Bertille.

Malgré tout cela, son apprenti est obligé à chaque fois de sortir un bras, à chaque fois que le bus doit s’arrêter pour prendre ou descendre un client. « C’est ancré dans le comportement des Tchadiens donc sans sortir le bras en dépit du clignotant, ils ne comprendront jamais que le bus est en train de virer d’où mon bras à chaque fois », renchérit l’apprenti.


Conduire à N’Djaména, n’est pas chose aisée et Bertille, pour question de joindre les deux bouts, informe que rien n’est impossible si l’on croit en soi-même. « Je n’éprouve pas de difficultés majeures à conduire durant toute la journée. Cependant, une femme qui conduit un bus, un événement rare dans notre pays car celles qui conduisent les moto-taxi, l’on a vu mais sur les artères avec minibus, non. Du coup, je reçois assez d’encouragement, et de la part des clients que de la part des agents de la brigade de la sécurité routière », se réconforte-t-elle.

Mais si aujourd’hui, Mme Bertille est, elle-même au volant de son bus, selon elle, cela s’explique par la mauvaise foi des hommes qui conduisent les minibus. « Quand j’avais acheté le minibus, j’ai d’abord prêté à un conducteur qui devrait me verser 20 000 FCFA par jour. Malheureusement, ce que ce dernier ne fait pas. Un autre a fait encore pire. Déçue, je me suis lancée moi-même dans la conduite comme je n’ai aucune activité à la maison », se rappelle-t-elle.

Au volant, elle est admirée par les passants et les clients. D’autres s’étonnent de voir pour la première fois, sur un axe de la capitale, une conductrice de minibus. « Je me sens bien en sécurité avec elle au volant du minibus que les jeunes qui conduisent. Elle est bien concentrée sur sa conduite et pas avec arrogance mais avec sérénité », indique un client, assis juste à la cabine à ses côtés. « En ma qualité de conducteur sur le même axe que cette dame, j’admire son courage et sa conduite. Moins violente que les autres chauffeurs de bus, respectueuse du code de la route et des clients. Un bon exemple pour les femmes qui attendent tous des hommes », explique Abdoulaye, chauffeur de minibus. Comme lui, nombreux sont les conducteurs qui admirent le courage de Mme Bertille et l’encouragent dans son activité.


Depuis trois jours aujourd’hui que Bertille Kogongar est au volant de son bus, elle rassure être à l’aise. « Dès 6 heures du matin, je sors pour rentrer à 17 heures. Ma pause, je la passe juste pendant le moment de stationnement au grand marché ou encore à Gassi pour attendre les clients », informe Mme Bertille Kogongar. Il faut rappeler que Bertille, vit dans une maison modeste avec ses deux neveux. Chaque soir, après le travail, conclut-elle, elle prépare en quantité à ses deux neveux, et met le reste dans le réfrigérateur, pour leur permettre de tenir le lendemain toute la journée avant qu’elle ne revienne.


Sabre Na-ideyam