Maintenue à la tête du ministère de la Femme et de la Protection de la petite enfance, Amina Priscille Longoh continue à faire bouger les lignes et à œuvrer inlassablement pour une meilleure autonomisation des femmes.

La journée internationale de la femme (JIF) sera célébrée ce mardi à Pala, chef-lieu de la province du Mayo-Kebbi Ouest. Ce sera la cerise sur le gâteau de la Semaine nationale de la femme au Tchad (Senafet), qui s’est terminée lundi, avec la présence du Premier ministre Pahimi Padacké Albert, fils de la province. Mais contrairement aux précédentes éditions, le 8 mars 2022 aura une saveur particulière. C’est la première fois depuis belle lurette que le 8 mars sera célébré sans une Première dame. Dans un post sur sa page Facebook, l’ex-Première dame, Hinda Déby Itno, toujours marquée par la disparition tragique du Maréchal (paix à son âme), a annoncé ne pas pouvoir prendre part à la Senafet 2022, tout en rassurant ses sœurs que ses pensées sont avec elles.  

En l’absence de Hinda Déby Itno, une autre dame sera sous les feux des projecteurs : la ministre de la Femme et de la Protection de la petite enfance, Amina Priscille Longoh ou simplement « Amy Longoh », comme on aime à l’appeler sur les réseaux sociaux.

Dans une publication faite sur Facebook le 1er mars, l’ex-Première dame exhortait ses sœurs à « préserver [leurs] acquis, faire progresser l’égalité et continuer [leur] combat contre toute force de violence dans ce contexte particulier que vit notre pays ». L’un de ces acquis est l’exigence de la présence d’au moins 30% de femmes dans les nominations à des emplois publics. C’est grâce aux «30% » qu’Amy Longoh est entrée au gouvernement pour la première fois le 14 juillet 2019. Lors du dernier remaniement, elle y a été maintenue, alors que beaucoup la voyaient sur une chaise éjectable.

Son credo : autonomisation de la femme

Avec cette confiance renouvelée par le Président de la République et le Premier ministre de transition, elle veut continuer à mener la plus grande bataille de sa vie : l’autonomisation de la femme. La ministre reconnaît que « l’autonomisation de la femme tchadienne est timide » et que « cela s’explique par les inégalités liées au genre, l’accès limité aux ressources, les poids des faits et actes traditionnels qui empêchent l’épanouissement de cette importante frange de la population ». Aussi n’hésite-t-elle pas à soutenir toute initiative qui œuvre pour l’autonomisation des femmes, comme le forum « Women Success » dont la première édition a été lancée fin octobre dernier et porté par un groupe de jeunes femmes dynamiques, entreprenantes et engagées. Autant d’initiatives qui viennent soutenir le Programme national d’autonomisation économique et social de la femme, lancé en octobre 2021. Cet ambitieux programme de quatre ans et d’un budget de près de 10 milliards FCFA financé par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) et l’Etat tchadien est destiné à accompagner un million de filles et femmes dans toutes les provinces du pays notamment dans les domaines de la gouvernance, la lutte contre les violences, la santé de la reproduction et la microfinance sociale. Sa phase pilote débutera bientôt dans cinq provinces du pays.

Violences basées sur le genre

Les violences basées sur le genre (VBG), c’est l’autre grande bataille d’Amy Longoh. Elles ont pris de l’ampleur au Tchad ces dernières années. Les réponses proposées ne suffisent pas à résorber le fléau. La ministre de la Femme est allée, en août 2021, s’inspirer de l’expérience de la République démocratique du Congo où une prise en charge holistique, psychosociale, juridique et médicale, est proposée aux victimes.

Autonomisation de la femme, VBG… Amy Longoh a mis les mains dans le cambouis très tôt. En 2016, elle fonde Tchad Helping Hands pour venir en aide aux filles et femmes tchadiennes, après qu’elle n’ait pas réussi à collecter assez de fonds pour sauver une fillette de 2 ans atteinte de cancer. L’appel de l’humanitaire se fait de plus en pressant, tellement fort qu’elle quitte le secteur pétrolier, deux ans plus tard, pour se consacrer exclusivement à l’humanitaire.

Les actions de la présidente de la Fondation Tchad Helping Hands sont reconnues partout, à l’international avec la distinction de « Meilleur manager africain du marketing réseau », à Kigali (Rwanda) en 2020. A l’intérieur du pays, elle tape aussi dans l’œil des plus hautes autorités. Elle est nommée directrice générale de la Maison de la femme en 2019, puis Commissaire à l’éducation pour l’Union panafricaine de la jeunesse. La consécration viendra moins d’un an après. En juillet 2020, elle entre au gouvernement, comme ministre de la Femme et de la Protection de la petite enfance. A 29 ans seulement !

La nouvelle ministre de la Femme n’est pas une ministre ordinaire ; elle est une ministre 2.0 qui aime utiliser les réseaux sociaux pour communiquer. En octobre 2020, quand les images des agents municipaux violentant une dame dans un marché de N’Djaména circulent sur la toile, elle rencontre le maire de la ville et lui rappelle l’obligation pour ses agents d’agir dans le respect de la dignité et des droits de la femme.

Elle reste !

Mais la jeune ministre utilise peut-être parfois trop les réseaux sociaux. A la mi-novembre 2020, lors d’un séjour dans la province du Sila pour les festivités de la journée de la femme rurale, des jeunes filles d’une école coranique lui offre un exemplaire du Coran qu’elle exhibe fièrement sur sa page Facebook. Erreur ! Cela provoque une vive polémique sur la toile. Elle supprime la photo controversée et présente ses excuses : « La première fois qu’on m’a offert un Coran, j’étais au CM1 et j’avais 9 ans. 20 ans plus tard, on me l’offre aujourd’hui et sincèrement j’en étais vraiment fière. Seulement, je ne savais pas que c’était interdit pour un non musulman de le toucher ».

Jeune, belle, intelligente, ambitieuse… La ministre de la Femme ne laisse personne indifférent ; elle est adulée par des milliers d’internautes, mais aussi détestée par d’autres. Chacune de ses publications sur les réseaux sociaux provoque un torrent de réactions. Elle fait face à des critiques acerbes et gratuites, parfois même à des attaques à sa vie privée. Le 24 juillet 2021, elle annonce la fermeture de son compte Facebook, ne préférant interagir avec ses followers que sur Twitter et Instagram. Mais Amy Longoh n’est pas du genre à capituler… Et elle reste ! Elle a appris à se battre très tôt. Cette résilience qui lui a permis de traverser tant d’épreuves, lui permet aujourd’hui d’encaisser les coups, mais de tenir la tête haute et de rester, aussi bien au gouvernement que sur les réseaux sociaux.