A trente-cinq ans, Caleb Kogdjim est le médecin chef du district sanitaire de Liwa dans la province du Lac Tchad, une localité en proie aux attaques de la secte Boko haram. Qui est Caleb Kogdjim, le jeune médecin qui défie l’insécurité pour soigner les déplacés ?

District sanitaire de Liwa. Des patients sont assis sur un blanc en face du bureau du major. Une foule composée essentiellement des femmes et des enfants. Tous attendent le maître des lieux, le médecin chef, Caleb Kogdjim. Un homme d’une trentaine d’années, taille moyenne et une petite corpulence.  Aussitôt, il convoque la première arrivée dans son cabinet. Une petite salle éclairée pratiquement par la lumière du jour. « Allongez-vous sur le lit », invite-il la dame dans un arabe local. « Cette femme nous est référée d’un site des déplacés pour menace d’accouchement prématuré. Nous allons lui faire une échographie ostréicole », explique-t-il en appliquant du gel sur le ventre de la patiente couchée sur le dos.  

Le nez et la bouche cachés derrière le masque, les yeux rivés sur le petit écran de l’échographe, celui qui est né à Bousso, dans le Chari-Baguirmi, examine la grossesse de la vingtaine à l’aide d’une sonde. Au bout de quelques minutes, le médecin généraliste de formation, rassure sa patiente « votre bébé va bien ». Illico, celui qui est titulaire d’un baccalauréat scientifique (série c) fait entrer une autre personne. Il accomplit presque les mêmes gestes et pose les mêmes questions : vous avez mal où ? Depuis quand ? 

Dans cet hôpital construit nouvellement sur fonds des bailleurs d’« Echo », au cœur de Liwa dans la province du Lac Tchad, Kagdjim Caleb consulte en moyenne une trentaine de patients par jour. Ils ont quasiment les mêmes pathologies : malnutrition, paludisme, infections, maladies hydriques, maladies incurables. Et l’ancien étudiant en médecine de la faculté des sciences de la santé humaine de l’université de N’Djamena est sans repos. Tantôt au tri des enfants malnutris, au bloc opératoire, à la consultation…  Sur une équipe d’une trentaine de personnes, il est le seul à être formé en échographie, en chirurgie essentielle et en néonatologie. Et son absence est préjudiciable aux 35 lits d’hospitalisation que compte l’établissement. « Quand j’ai été à N’Djamena pour une semaine, le bloc opératoire, le service de l’échographie étaient à l’arrêt », affirme-t-il avec regret. « Actuellement, je forme d’autres personnes pour réaliser l’échographie », annonce-t-il avec modestie. 

Le jeune médecin est condamné à résider dans cette zone reculée, sans congé loin de sa petite famille (une femme et un enfant). Chaque jour, c’est au téléphone qu’il donne de ses nouvelles à son père, sa mère et ses sœurs et frères. « Je dois les rassurer que tout va bien, malgré le risque qu’on encourt chaque instant ». Cette localité est en proie aux violences. En octobre 2019, le médecin chef du district sanitaire de Bagassola a été enlevé à une vingtaine de kilomètres de là. « Oui il y a l’insécurité et la famille s’inquiète, mais le plus important pour nous, c’est le service qu’on rend à cette couche vulnérable qui nous maintient ici et nous rend fier », confie-t-il avec fierté.  Caleb Kogdjim est l’un des rares médecin affecté à Liwa.

La médecine, Caleb Kogdjim l’a héritée de son père. Le fils de l’infirmier à la retraite a commencé ses armes à l’hôpital général de référence nationale et celui de l’amitié Tchad-Chine. De l’hôpital de la mère et de l’enfant passant par des cliniques privées, Caleb Kogdjim dépose ses valises à Moïssala avant de s’envoler pour le Lac Tchad. Même s’il a décidé de porter la blouse pour soigner sa mère, aujourd’hui, il assiste plus de 381 000 déplacés internés selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés dans le Lac Tchad.