Allamine Kader, réalisateur tchadien, incarne la nouvelle génération de cinéastes africains engagés, mettant en lumière des réalités sociales et culturelles à travers le prisme du grand écran.

Né à N’Djamena le 28 novembre 1978, il s’est formé à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal, où il obtient en 2014 un Master 2 en réalisation documentaire de création, décrochant le titre de major de sa promotion. Cette formation axée sur la production de films documentaires lui a permis de se lancer dans une carrière consacrée à l’exploration des enjeux humains et sociétaux au cœur des cultures africaines.

Pour Allamine Kader, le choix de la réalisation documentaire n’est pas anodin. Ce genre cinématographique, dit-il, représente une fenêtre sur les réalités souvent ignorées, une manière d’interroger et de révéler les dimensions intimes et sociales de l’humain. Après son diplôme, il enrichit sa formation par des stages dans diverses institutions et festivals de cinéma, en Afrique comme en Europe, acquérant une solide expérience des tendances et des défis du cinéma international.

Son premier long-métrage documentaire, La Promesse du Biram, explore les enjeux sociaux et culturels liés à une pratique ancestrale tchadienne. Ce film met en lumière les rites et croyances qui façonnent la vie des individus et des communautés, marquant ses débuts prometteurs dans le monde du cinéma documentaire. Par la suite, son court-métrage Faire le Deuil aborde avec sensibilité le processus de deuil et les rituels associés à la perte d’un être cher, en l’occurrence son propre père.

En 2023, Allamine Kader franchit une nouvelle étape avec Amchilini (Choisis-moi), un long-métrage documentaire qui s’intéresse à une pratique sociale où des femmes célibataires depuis longtemps se voient contraintes de choisir un mari pour conjurer des sorts liés à leur statut. À travers ce film, il explore la tension entre tradition et modernité, tout en mettant en lumière les dilemmes sociaux et personnels auxquels ces femmes sont confrontées dans des sociétés où les attentes culturelles demeurent pesantes.

Amchilini rencontre un immense succès international, étant sélectionné dans plus de 30 festivals prestigieux, dont le FESPACO (Burkina Faso), l’IDFA (Amsterdam), Vue d’Afrique (Canada) et les Journées Cinématographiques de Carthage (Tunisie). Le film a remporté neuf prix internationaux, consacrant Allamine Kader comme l’un des documentaristes africains les plus prometteurs.

Actuellement, il travaille sur un nouveau projet intitulé Kouri, la Terre dans le Brouillard, un long-métrage documentaire explorant la relation complexe entre l’homme et son environnement, notamment dans les régions du Nord du Tchad, où les défis environnementaux et sociaux s’entremêlent. Ce projet, en cours d’écriture, bénéficie déjà de deux résidences de création à Yaoundé (Cameroun) et Grand-Bassam (Côte d’Ivoire).

Pour Allamine Kader, le cinéma n’est pas seulement un art, mais aussi un puissant outil de sensibilisation, d’information et de réflexion sociale. Il le décrit comme un “médecin de la société”, capable de raconter des histoires parfois difficiles à entendre ou à voir. Selon lui, le cinéma peut jouer un rôle clé dans le développement d’un pays, à l’instar du Nigeria, où l’industrie cinématographique est devenue le second secteur économique après le pétrole.

Il met également l’accent sur la formation des jeunes aux métiers du cinéma, estimant que le Tchad regorge de talents qui ne demandent qu’à être soutenus. Il appelle de ses vœux la création d’une école de cinéma et une véritable volonté politique pour permettre au cinéma tchadien de rayonner à l’international. Il souligne également les ressources naturelles exceptionnelles du pays, des déserts aux montagnes, en passant par les cours d’eau et les forêts, autant de décors idéaux pour raconter des histoires captivantes.

En tant que mentor et modèle, Allamine Kader conseille aux jeunes cinéastes de prendre le temps de mûrir leurs projets. “Un sujet, il faut le mûrir, l’écrire, le tourner et le monter. Un film, ce n’est pas un reportage”, affirme-t-il.

À travers ses œuvres, Allamine Kader continue de poser des questions essentielles sur l’évolution des sociétés et des traditions africaines. Le cinéma, pour lui, reste un levier de transformation sociale et culturelle, capable d’influencer positivement les mentalités et de sensibiliser à des causes profondes.