Le 2 février, les personnes handicapées ont fait tomber une mesure gouvernementale prise pour des raisons sécuritaires à travers des manifestations. Découvrez qui est à la tête de cette lutte.

Son téléphone ne cesse de sonner. A peine déposé, un autre appel. Il garde sa position sur son tricycle et répond à ses interlocuteurs. Au bout de son appareil portable, des journalistes demandent des entretiens, ses amis et collègues handicapés le remercient et des personnes ordinaires le félicitent.

La levée de mesure portant interdiction de circulation des tricycles sur le pont de Ngueli par le gouvernement est assimilée comme une victoire. Un triomphe attribué aux personnes handicapées en général et plus particulièrement à leur leader et porte-parole, Ali Oussignbédé Justin.

Durant 7 mois, le quinquagénaire a su mobiliser ses amis et collègues pour se tenir sur leurs béquilles. Son unique objectif est d’obtenir la libre circulation des tricycles sur le pont liant le Tchad au Cameroun. « Si vous voulez du miel, il faut affronter les abeilles(…) et si on me tue je vais rester comme un martyr ».  C’est sur cette leitmotiv qu’Ali Oussignbédé Justin a engagé le combat: des déclarations, manifestations et opérations de reptation.

Une mission difficile

Son engagement en faveur des personnes handicapées lui a créé des tiraillements avec ses collègues. Il a pris ses distances vis-à-vis de l’Association d’entraide des handicapées physiques au Tchad (AEHPT), une organisation à laquelle il a adhéré depuis son arrivée dans la capitale N’Djamena. « Ils disent qu’on est poussé par les hommes politiques et de la société civile. Ils nous ont renvoyé du siège ».

À présent le « gilet noir » comme il s’est surnommé est fier du combat qu’ils ont mené, lui et son équipe. Il n’écarte pas l’AEHPT. « Il ne faudrait pas qu’ils disent qu’on a gagné et qu’ils seront rejetés, non. La route est ouverte pour toutes les personnes handicapées ».

Cette lutte n’est pas la seule que l’enfant Soumray engagé. En 2015, il a dirigé une manifestation en faveur des personnes vivant avec un handicap. « Ils nous ont tiré dessus. Il y a eu des arrestations. La liberté, ça s’arrache». En 2000, il a pris part activement à la protestation des femmes balayeuses de route qui, réclamaient leur salaire coupé.

Le handicap

Père de deux enfants, Ali Oussignbédé est issu de la communauté Soumray de père et mère. Une communauté située au sud du Tchad notamment dans le département de Tandjilé Est. Très petit, le jeune de l’époque a perdu sa maman. A l’âge de 10 ans, il a été atteint d’une maladie. ’’ Les parents m’ont emmené à l’hôpital et c’est suite à cela que je suis devenu handicapé’’. A partir de 11 ans, il n’arrive plus à se tenir sur ses deux jambes.

L’école


Le chrétien catholique a commencé le primaire dans son village natal : Poungou 1. Son état physique a été l’une des principales difficultés durant toutes les années sur le banc de l’école . Il rampe pour rejoindre la classe. ’’ Je n’avais pas un moyen de déplacement. Quand je viens le matin, il faut 16h à 17 heures pour que je rentre, car le soleil ne me permettait pas de rentrer vite’’. Arrivé au collège, il quitte Poungou 1 pour Dila, dans le même canton. Après avoir obtenu son BEPC, l’élève handicapé a décidé de continuer ses études à Laï. Il compose le baccalauréat en 2001.

Candidat malheureux à l’examen, il quitte les bancs de l’école et embrasse le travail de la terre: la culture du riz. Ali Oussignbédé a économisé les revenus de son travail et s’offre son premier tricyle. Il débarque donc à N’Djamena pour goutter la vie en ville. Il rencontre des personnes handicapées et adhère à l’association mère.

Le business du sucre

Adepte du travail, le fils de la Tandjilé côtoie ses amis et emprunte le même chemin qu’eux: se rendre à Kousserie pour se chercher. Il découvre donc le business qui se fait autour du sucre. Intéressé, il s’engage et devient transporteur du sucre auprès des commerçants tchadiens.