La campagne pour l’élection présidentielle du 10 avril au Tchad, a été lancée ce dimanche 20 mars 2016. Le président sortant, candidat à sa réélection, a déjà frappé fort avec un imposant meeting dans la capitale.

Pour son entrée en campagne, le président Idriss Déby Itno a choisi l’imposante Place de la Nation, “une place symbole de la paix consolidée, de la stabilité retrouvée, de l’unité nationale fortifiée et de l’espoir”.

Aucun autre endroit dans la capitale que cette imposante place, qui fait face à son palais, n’était aussi grand pour la démonstration de force que le “candidat de la grande alliance pour l’émergence” a tenu à faire.

S’il est un domaine dans lequel son équipe de campagne a marqué les esprits, c’est bien la logistique. Les taxis, taxis motos (communément appelés “clandos”), minibus que compte N’Djaména ont été mobilisés pour transporter les militants des différents quartiers de la capitale. Même les grands bus de transport qui desservent le sud du pays, ont été loués depuis vendredi pour le grand meeting de dimanche.

A la Place de la Nation, les dizaines de milliers de supporters étaient donc venus grâce au réseau formé par les 300 bureaux de soutien du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir depuis 1990) et par la centaine des partis de la coalition. Des groupes de musique, une sono impeccable, la panoplie complète: casquette, parapluie, T-Shirt à l’effigie d’IDI (Idriss Déby Itno). Un avion a même survolé la foule pour lâcher des spécimens.

Sur la tribune, IDI, vêtu d’un grand boubou brodé blanc, sa canne à la main, a harangué la marée humaine, massée de bonne heure sous un soleil de plomb (la température tourne autour de 40°C à l’ombre). Dans l’équipe de campagne, l’on avance même le chiffre de 500.000 personnes, voire plus. “A travers cette mobilisation et cet enthousiasme, je peux affirmer avec force et conviction que nos adversaires vont mordre la poussière le 10 avril prochain”, a déclaré IDI. Il a promis d’emporter le scrutin présidentiel dès le premier tour, face à treize autres candidats. “Un coup KO”, n’ont cessé de scander ses partisans, surchauffés.

Dans un discours fleuve fait en arabe local, puis en français, le président sortant a dressé le bilan de ses derniers mandats. Il s’est flatté des réalisations dans le domaine des infrastructures où il a annoncé le bitumage de 6.000 kms de routes pour relier les différentes régions à la capitale, ainsi qu’un grand projet de construction du chemin de fer Cameroun-Tchad-Soudan pour faire de son pays, qui est situé au cœur de l’Afrique, le centre névralgique des échanges commerciaux et économiques.

Il a insisté sur l’unité nationale, citant son “illustre frère de métier”, le pilote Antoine de Saint-Exupéry: “le plus noble métier de l’homme est le métier d’unir les hommes”. Il s’est porté garant de “la paix et de la stabilité chèrement acquise” après des décennies de guerre civile et de rébellions armées. Il a promis de continuer à se battre pour la parfaite cohésion des filles et fils du Tchad, pour le renforcement de la paix et de la stabilité, pour redonner à la nation plus de dignité et de fierté, pour parfaire la réforme de la justice, pour donner à ses compatriotes plus d’accès à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’énergie électrique et à toutes les infrastructures routières.

Le “candidat de la grande alliance de l’émergence”, qui cumule plus de 25 années au pouvoir et brigue un cinquième mandat de cinq ans, a juré également que son prochain quinquennat sera encore dédié à la jeunesse et à la femme. Des jeunes à qui il a promis de donner toujours et encore plus de moyens, plus de ressources et plus de confiance. Des femmes à qui il promet l’accès équitable à la propriété foncière, aux facteurs de production, ainsi qu’une adoption rapide du Code des personnes et de la famille qui traîne depuis plus de quinze ans.

Provocateur, IDI a fustigé ses adversaires et une partie de la société civile qui l’appellent à ne plus se représenter. “Nos adversaires n’ont aucun idéal, aucune vision et aucun programme pour notre pays. Le seul projet qu’ils ont, c’est l’étoffe de mensonges, le tissu d’incongruités et la valise de médisances qu’ils transportent dans leur déplacement à l’extérieur du pays”, a-t-il martelé. Avant d’exhorter ses partisans à plus de sursaut patriotique et d’élan républicain.

Dans le camp de ses adversaires, l’on est entré en campagne avec les moyens de bord. Certains candidats de l’opposition, comme le fédéraliste Béassemda Julien, se sont contenté des lieux sobres (notamment la Bibliothèque nationale) pour leur première. L’opposant Mahamat Brahim Yosko, le père de Zouhoura (du nom de cette jeune fille dont le viol collectif a défrayé la chronique en février 2016), a choisi de lancer sa campagne depuis Libreville, au Gabon.

Saleh Kebzabo et FORCE, cette coalition de quinze partis qui le soutiennent, ont entamé leur campagne à Massenya, à 150 km de N’Djaména. “Un symbole historique et culturel, abandonné à son triste sort par le pouvoir MPS”, a affirmé le chef de file de l’opposition qui a enchaîné, le soir, un deuxième meeting à Dourbali, un autre symbole, véritable carrefour communautaire, linguistique, culturel et économique. Lundi, c’est le tour de Mandelia, Massaguet et le départ pour l’ouest, le nord-est, l’est puis le grand sud et “le bouquet final” le 8 avril au stade de la Concorde à N’Djaména.

“J’aborde cette élection dans la sérénité et la confiance. Le peuple tchadien est mûr et aguerri par 25 ans de fausse démocratie et de dictature rampante, de déceptions, dans un non-Etat, un Etat informel conçu pour la prédation d’une famille qui en fait sa chasse gardée”, a indiqué Saleh Kebzabo.

S’il a répété que la fraude du MPS est connue, il entend démontrer au “pouvoir despotique, prédateur et sans vision” de Déby Itno que “rien ne peut faire fléchir la volonté du peuple”. “Les milliards volés qui vont inonder nos rues n’y pourront rien, a-t-il conclu, le choix du peuple est déjà fait: éliminer Déby dès le premier tour!”
Source: Xinha