Comme à l’accoutumée après le défilé militaire célébrant l’indépendance, le Chef de l’Etat rencontre la presse. Lors de ce face à face, plusieurs sujets d’actualité du moment et questions épineuses sont abordées. La tradition fut respectée, parmi les questions auxquelles il fallait s’attendre il y’avait l’inquiétude du moment, Boko Haram. Le président a abondamment disserté sur le sujet, il a annoncé lors de cet interview l’avis de décès de la nébuleuse, il refuse de négocier avec celle-ci, il appelle à une mutualisation des synergies sous-régionale pour la vaincre, etc. On vous laisse le soin de le lire la suite pour plus de détails.

Boko Haram continue de perpétrer des actes suicides et barbares. Quelle stratégie est mise en place pour la contrer ?

« Malheureusement, nous avons été victimes des actes barbares de la secte Boko Haram qui a fait de torts à notre population. Il y a eu des morts et des blessés. Je voudrais à cette occasion adresser à toutes les familles éprouvées mes condoléances les plus sincères. Vous savez que le phénomène n’est pas nouveau. L’obscurantisme existait déjà et a frappé des grandes nations, des grands pays comme les Etats-Unis, l’Europe. Des pays africains ont connu avant nous, des actions kamikazes et terroristes. Il n’y a pas une autre stratégie que celle de mettre en commun nos moyens pour faire face aux terroristes. Je tire mon chapeau aux forces de défense et de sécurité tchadienne, nigériane, camerounaise et nigérienne qui ont fait un travail. Boko Haram va disparaître, il est décapité. Les tchadiens doivent être encore plus vigilants, car, les ennemis de la nation sont nombreux. Ils veulent créer des problèmes au Tchad, ce pays qui a connu des longues histoires des déchirures et de déstabilisation. Il vient de loin. Boko Haram ne pourra mettre en cause la marche du Tchad vers le progrès. »

Où se trouve Abubakar Shekau ? Quel bilan faites-vous de l’engagement du Tchad contre le terrorisme ?

« Abubakar Shekau est un individu dans une nébuleuse terroriste créée pour nuire à la stabilité de la sous-région. En son temps, lorsque j’ai demandé à Abubakar Shekau de se rendre, il était blessé grièvement lors des combats de Dikoa. Il était à Maiduguri et nous avons informé nos amis nigérians malheureusement, ils n’avaient pas voulu que les forces tchadiennes se rendent pour le capturer. Qu’à cela ne tienne, il fallait s’attendre à cette guerre contre Boko Haram. Nous savions que même si nous n’avions pas envoyé des troupes, Boko Haram allait nous attaquer, un jour. Il fallait prendre des dispositions pour minimiser les conséquences de notre intervention. Je crois que nous avons porté un coup dur à la secte. Qui vous dit que Shekau est vivant aujourd’hui? Nous avons actuellement un certain Mahamat Daoud qui parle au nom de la secte et a demandé de dialoguer avec le gouvernement nigérian. Je déconseillerai de dialoguer avec un terroriste. Nous sommes en mesure de mettre hors d’état de nuire Boko Haram dans toute la sous-région. C’est en cela que nous nous préparons afin de mettre à l’abri nos populations contre le terrorisme. Boko Haram est réduit à sa simple expression et a appris à ses dépens. Je voudrai saluer l’action de nos forces de défense et de sécurité qui, en très peu de temps et avec très peu de moyens, ont pu arrêter, l’ensemble des cellules dormantes et actives de Boko Haram sur l’ensemble du territoire national. Nous restons vigilants. Boko Haram ne pourra pas nuire désormais au Tchad ».

Est-ce que le Tchad va augmenter son effectif dans la force multinationale ou le réduire ? Selon vous, est-ce que la guerre contre Boko Haram sera très longue et très coûteuse comme prétendent certains experts ? Est-ce que les pays engagés pourront tenir le coup sans l’aide internationale?

« Le Tchad n’agit pas seul. Il agit dans un contexte et dans un environnement de la sous-région concernée par les actes barbares de Boko Haram. Il y a eu plusieurs réunions multidimensionnelles pour mettre en œuvre une stratégie commune et efficace qui permettra à la force mixte qui compte huit mille sept cent (8700) hommes, parrainée par l’Union africaine, d’être opérationnelle bientôt. J’ose croire que Boko Haram n’aura pas une capacité de nuisance, comme il y a quelques temps. C’était une armée avec des moyens extraordinaires. Mais aujourd’hui, Boko Haram est un petit groupe éparpillé dans des îles du Lac Tchad ou au Nigeria. Je ne crois pas que la guerre sera longue. Elle va être courte. Mais il ne faut pas baisser la garde. La secte va certainement opter par des actions de kamikazes. Nous devons arrêter une stratégie qui permettra de couper les matériels de Boko haram à la source. Boko Haram ne fabrique pas des TNT, des armes, des blindés. Nous savons d’où viennent ces armes, nous savons qui forme les kamikazes. A partir de là, nous sommes en mesure de dire que nous avons tous les éléments pour sécuriser les populations de la sous-région».

Dans cette guerre, qu’attendez-vous de la France, votre alliée, que le Tchad a aidée à combattre le terrorisme au nord Mali ?

« Nous ne sommes pas seuls sur le terrain dans cette guerre que nous menons contre le terrorisme. C’est tout le continent et toute la communauté internationale qui sont concernés. Vous avez l’Etat islamique au Moyen orient, au nord Daesh, MUJAO en Afrique de l’ouest, Shebab en Somalie et Boko Haram ici. Aucun pays ne peut mener cette guerre seul et la gagner. Il faut se mettre ensemble pour éradiquer le terrorisme qui est un phénomène mondial. Nous avons la force multinationale et Barkhane qui ont leurs sièges à N’Djaména. Barkhane soutient et a soutenu les forces tchadiennes sur les plans de renseignements et de logistiques. Je voudrais remercier les officiers et les sous-officiers qui ont travaillé avec nous pour donner une certaine efficacité à l’action de nos forces de défense et de sécurité. Et avec toute la communauté internationale nous allons vaincre, le terrorisme ».

Quelle stratégie idéologique envisagée pour combattre le terrorisme qui utilise le nom de l’islam pour commettre des actions barbares ?

« Il ne faut pas faire de l’amalgame entre le terrorisme du genre Boko Haram et une religion quelconque, fut-elle la religion musulmane. L’islam est une religion de paix et de cohabitation pacifique qui respecte le droit. L’idéologie de Boko Haram est un instrument qui est mis en place par les ennemis du continent pour nous ramener en arrière. Boko Haram n’a rien de musulman. Ce sont des drogués qui égorgent et tuent sans pitié. Ils incendient des mosquées. Il ne faut pas lier le terrorisme, la barbarie actuelle, la criminalité actuelle à l’islam. Rien ne lie ces gens là à l’islam, d’ailleurs, ils ne prient même pas. Aucune des religions relevées, aucun livre saint ne préconise le terrorisme et n’encourage une telle idéologie. C’est quelque chose qui est commandée pour retarder notre marche vers le développement et de l’intégration du continent. Depuis 55 ans que nous sommes indépendants, on est avancé, mais très peu. On avance et on recule. Chercher les causes profondes».