N’DJAMENA, — Le gouvernement tchadien a adopté, jeudi en conseil de ministres, un projet de loi portant prorogation de la troisième législature à compter du 20 juin 2015 jusqu’à la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale élue… .. Cette décision intervient alors que le sujet divise la majorité présidentielle, l’opposition démocratique et la société civile depuis plusieurs mois.

“Cette décision tient compte du consensus de la classe politique de recourir à la biométrie pour l’organisation des futures élections présidentielles et législatives d’une part, et, d’autre part, des contraintes techniques imposant à la CENI ( Commission électorale nationale indépendante, Ndlr) un programme incompressible au terme de l’expiration du mandat de la législature en cours”, déclare Hassan Sylla Bakari, ministre tchadien de la Communication et porte-parole du gouvernement.

Elle “prend en compte la volonté de la majorité écrasante de la classe politique à proroger le mandat des députés”, ajoute-t-il.

Il y a une dizaine de jours, les membres du Cadre national de dialogue politique (CNDP) avaient déjà discuté et adopté le principe de la prorogation du mandat des députés de la troisième législature. Au sein de cet organe qui regroupe des représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile, l’on estime que la prorogation du mandat de l’Assemblée nationale est ” le moindre mal”. “Nous avons vu que laisser le chef de l’Etat légiférer par ordonnances, lui donnera beaucoup de travail”, affirme Abdéramane Djasnabaille, vice-président du CNDP.

Mais au sein de l’opposition, l’on est contre un “bonus” à “une Assemblée nationale [qui] se comporte comme étant au service de l’ exécutif”.

Deux jours après l’adoption par le CNDP du principe de la prorogation, une soixantaine de partis politiques de l’opposition et de la majorité présidentielle sont montés au créneau et ont signé une déclaration contre cette rallonge. Ils dénoncent une ” manoeuvre anticonstitutionnelle” orchestrée par “quelques jongleurs de la scène politique”.

Les opposants à une prorogation du mandat des députés sont soutenus par une frange importante de la société civile. “Le Tchad, qui se targue d’être un pays démocratique, ne peut se livrer indéfiniment à un jeu politicien et malsain qui consiste à fouler allègrement au pied le calendrier électoral afin de privilégier la gouvernance par ordonnance ou la prorogation par décret du mandat des députés”, dénonce “Trop c’est trop”, une coalition d’ organisations de la société civile tchadienne.

Selon elle, la seule alternative crédible pour sortir de cette impasse reste la mise en place d’un parlement de transition sur la base des compétences et de probité morale. Mais dans les rangs du Mouvement patriotique du salut (MPS, du président Déby Itno au pouvoir depuis plus de vingt-quatre ans), il n’est pas question d’ organe législatif transitoire qui signifierait que le Tchad traverse une grave crise institutionnelle.

“Si nous voulons des élections avec des cartes biométriques, il n’y a d’autre choix que de proroger la législature en cours. Toutes les autres solutions avancées sont clairement fantaisistes et inenvisageables”, a déclaré mercredi le chef du gouvernement tchadien, Kalzeubé Payimi Deubet, face aux responsables des partis de sa majorité. Il les a invités à l’union sacrée et à “parler d’ une seule et audible voix”.

Au Tchad, la durée du mandat des députés est de quatre ans renouvelable, selon l’article 146 du code électoral. Chaque député est le représentant de la Nation toute entière, et tout mandat impératif est nul et de nul effet.

L’actuelle législature, mise en place en 2011, devra s’achever en juin 2015. Or, selon le chronogramme publié par la CENI il y a un mois, le recensement électoral biométrique devrait commencer le 6 août 2015 avec les Tchadiens de l’étranger; l’affichage des listes électorales et la distribution des cartes d’électeur devraient être terminés le 11 avril 2016. Même si le chronogramme détaillé des futures élections n’est pas encore connu, il est clair que les opérations préélectorales seront achevées dix mois après la fin de la présente législature.

L’Assemblée nationale tchadienne, archi-dominée par parti au pouvoir devra entériner la décision du conseil des ministres, au cours de sa prochaine session ordinaire qui s’ouvre le 5 mars prochain. Ce qui ne sera pas une première dans l’histoire de la démocratie tchadienne. Le mandat de la précédente législature avait déjà été prorogé de quatre autres années à cause de la crise qui a suivi l’incursion militaire rebelle dans la capitale en février 2008.