TROIS QUESTIONS À – Fin mars, le procureur de la République a condamné la multiplication des insultes sur les réseaux et a menacé leurs auteurs des poursuites. Qu’en pense le juriste Mahamat Sougui Bie. Entretien.

Sur les réseaux sociaux, des Tchadiens s’adonnent de plus en plus à des insultes à caractère ethnique. Ce qui a poussé, le 31 mars, le procureur de la République a tenu un point de presse de mise en garde à N’Djamena. Des auteurs de ces actes pourraient être poursuivis et punis « d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 10 0000 à 10 000 000 de francs CFA ou l’une de ces peines seulement », a rappelé Tom Youssouf.

Une éventualité que comprend Mahamat Sougi Bie, juriste et diplômé en administration publique. Pour lui, ce ne serait pas non plus un recul de la liberté d’expression au Tchad.

Tchadinfos : Sur quelle base juridique l’État tchadien peut-il poursuivre les auteurs d’insultes sur les réseaux sociaux ?

Mahamat Sougi Bie : Au Tchad, le nouveau code pénal, à travers ses articles 448, 449 et 450, punit les actes à caractère raciste et xénophobe diffusés via les canaux informatiques. De ce fait, nous pouvons dire aisément que notre pays dispose d’une base juridique solide qui condamne la haine sur les réseaux sociaux. 

Concrètement, comment l’État s’y prend-elle pour poursuivre ce type d’infractions ?

Il existe deux possibilités : la première est l’action publique que le procureur est en position de mettre en mouvement. Elle est conduite au nom de la société en vue réprimer une infraction, en application de la loi pénale ; la seconde, c’est l’action civile qui vient réparer le préjudice issu, ou non, d’une violation pénale. Ce cas intervient lorsque l’infraction porte atteinte à l’intérêt privé conjointement à l’atteinte à l’ordre public. L’action civile se manifeste ainsi par la citation directe ou la plainte avec constitution de partie civile.

En voulant poursuivre les auteurs de ces infractions sur les réseaux sociaux, ne risque-t-on pas sacrifier le respect de la vie privée et de la liberté d’expression ?

Non ! En poursuivant les auteurs des insultes à caractère raciste ou xénophobe, l’État ne sacrifie pas la liberté d’expression. Au contraire, il la consolide davantage puisqu’il garantit le maintien de l’ordre public. Et ce dernier est une nécessité pour que les citoyens jouissent de toutes les libertés. C’est pourquoi, certaines libertés, lorsqu’elles mettent à mal l’ordre public, peuvent être limitées ».