INTERVIEW – Après la cacophonie et les sorties hasardeuses d’un certain nombre de ministres sur la toile, beaucoup d’internautes et de Tchadiens en général s’interrogent sur le rôle exact d’un ministre. Aussi, quelles attitudes doivent adopter les membres du gouvernement en tant que hauts fonctionnaires de l’Etat. Nous faisons le tour de la question avec Mbairamadji Djenarbé Romain, politiste et assistant à l’Université de N’Djamena.

Pouvez-vous nous faire la différence entre un ministère et un ministre ?

D’emblée, le terme ministère désigne l’ensemble des services de l’Etat placés sous la responsabilité d’un ministre et s’occupant d’un ou plusieurs domaines. En outre, les services d’un ministère sont repartis entre une administration centrale, dans le cas du Tchad localisée à N’Djamena, et des services déconcentrés en province.

Par contre, un ministre est un agent de pouvoir gouvernemental qui est à la tête d’un ministère ou d’un département ministériel tel que la santé, l’éducation, la sécurité, etc. Ce dernier assure la direction du département ministériel qui est sous son ordre. Il représente l’Etat pour ce qui concerne son ministère mais représente également son administration au sein du gouvernement.

Le ministre dispose d’un pouvoir hiérarchique à l’égard de ses services et leur indique ses instructions par des notes, directives ou circulaires. Il n’a pas de pouvoir règlementaire, sauf en tant que chef de service pour organiser son département, ou lorsqu’il doit contresigner des actes du chef de l’Etat dont il doit assurer l’exécution. Un ministre est responsable devant le pouvoir législatif, c’est-à-dire devant l’Assemblée nationale, de la bonne exécution des services publics qu’il dirige.

Aujourd’hui, beaucoup de citoyens pensent que les ministres outrepassent leurs compétences. Quelles sont les fonctions, ou encore les pouvoirs d’un ministre ?

Les fonctions des ministres s’organisent autour de deux missions principales, l’une administrative, l’autre politique. Par ailleurs, leurs compétences sont fixées, après leur nomination par un décret d’attribution. Sur le plan administratif, le ministre doit assurer la direction d’un département ministériel, ce qui correspond à une fonction administrative. Il est pour ce fait le supérieur hiérarchique des fonctionnaires de ce périmètre ministériel. En outre, le ministre est en charge du contrôle de tutelle sur les établissements publics agissant dans le champ de compétence de son ministère.

Un ministre ne dispose pas, en principe, du pouvoir réglementaire (c’est-à-dire la capacité d’édicter des normes générales), sauf pour organiser les services de son ministère. Ainsi, le ministre met en place dans le domaine où il exerce ses prérogatives, un véritable plan d’actions en interne et externe, destinés à améliorer la vie quotidienne des citoyens.

Sur le plan politique, le ministre a le rôle d’impulsion et de mise en œuvre de la politique gouvernementale. L’activité politique d’un ministre doit en principe se limiter au conseil des ministres et au parlement où la discussion est ouverte sur tel ou tel aspect de l’activité gouvernementale. Or, force est de constater qu’au Tchad, les ministres ou les membres du gouvernement participent à l’animation de la vie politique et sont très impliqués dans la vie des partis politiques. Cette pratique rend confuse et empiète sur leur fonction régalienne.

Alors quelles doivent être les qualités d’un ministre ?

Un ministre exemplaire doit viser l’intérêt général, avoir de la rigueur dans le travail afin de conduire son ministère pour le bien-être des citoyens. Sous ce rapport, le ministre doit rendre compte de sa gestion et ainsi aider le gouvernement à s’acquitter de son mandat.

Mbairamadji Romain, Politiste

Un bon ministre doit posséder un ensemble de qualités de base comme la bonne connaissance des dossiers, la compétence politique, la vertu de l’écoute, la neutralité politique, l’intégrité et l’habilité à communiquer, qui sont des atouts précieux le distinguant des autres.

Un ministre exemplaire doit viser l’intérêt général, avoir de la rigueur dans le travail afin de conduire son ministère pour le bien-être des citoyens. Sous ce rapport, le ministre doit rendre compte de sa gestion et ainsi aider le gouvernement à s’acquitter de son mandat.

Néanmoins, étant humain, le ministre peut avoir des défauts mais ceux-ci ne doivent pas être trop dévastateurs de manière à nuire à la cause qu’il doit servir. Ainsi, il doit être disposé à tenir une communication cohérente et fédératrice en procédant par une explication méthodique, pédagogique mais surtout objective.

Déterminé, ambitieux, un ministre sait aussi convaincre et être décisif dans sa parole et ses actions. Sa capacité à résister à la pression même infernale, est capitale pour conserver son poste. Bien évidemment qu’il sera jugé à l’aune de son action et de ses résultats. Même si sa cote de popularité constituera un précieux indicateur pour tisser une relation pérenne avec ses administrés.

Au vu des éléments que vous venez d’énumerer, est-ce que la fonction du ministre est respectée au Tchad ? Sinon, que faut-il faire ?

A la lumière de cette grille d’analyse, il ressort que la fonction de ministre est respectée au Tchad au regard des attributs et des prérogatives politico-administratives qui lui sont dévolues. Toutefois, il faut reconnaitre que les attitudes et les comportements de certains ministres tchadiens démontrent que la fonction ministérielle n’obéit à aucun principe éthique sur lequel leur action politique doit reposer. Sinon, comment comprendre la sortie médiatique dévastatrice du Secrétaire d’Etat à la Santé qualifiant de « moutons » les internautes tchadiens cherchant à comprendre la teneur du décret No 2585 sur la toile ? Cet état de fait est un exemple parmi tant d’autres qui met à mal la cohésion sociale et remet en cause l’action gouvernementale ainsi que la fonction ministérielle au Tchad.       

Compte tenu de ces dysfonctionnements, il serait d’une nécessité impérieuse de mettre en œuvre les règles déontologiques et éthiques politiques afin d’aider les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Les valeurs et principes éthiques pouvant guider les ministres tchadiens doivent reposer sur l’engagement pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Les ministres doivent être guidés par la bienveillance, la droiture, la sincérité, l’honnêteté et la justice.

Par conséquent, ils doivent reconnaitre qu’ils sont au service des citoyens tchadiens. Les ministres doivent faire preuve de rigueur, d’assiduité et de loyauté à l’égard du peuple tchadien mais également du gouvernement pour la préservation de l’intérêt général et du développement.    

Propos recueillis par Mbaindangroa Djekornondé Adelph