Décidément, je n’ai rien à ajouter, ni à écrire sur le psychodrame Cahuzac, dont BBY et notre collaborateur Henri Marque traitent largement dans cette édition, si ce n’est ceci : je ne connais aucun ministre africain qui ait été contraint au suicide politique pour avoir dissimulé un avoir bancaire à l’étranger, ni aucun membre d’un gouvernement du continent dévasté par le remords d’avoir menti au fisc, à son président et au peuple tout entier. Vu l’extrême précarité de la fonction, ouvrir un compte dans une banque offshore est d’ailleurs souvent l’une des premières décisions que prend le nouveau détenteur d’un maroquin, lequel n’aura nul besoin de mentir pour masquer ce péché véniel, puisque son prédécesseur et son successeur ont fait et feront exactement de même. Quant à la sidérante demande de pardon de Jérôme Cahuzac, un demi-siècle de relations incestueuses a vu défiler dans les cloaques de la Françafrique tant de responsables politiques menteurs et corrompus que nul ici ne semble la juger sincère. Que voulez-vous : l’habitude ne favorise pas seulement les généralisations abusives, elle rend aussi cynique…

J’aurais par contre beaucoup à dire – et nous y reviendrons – sur un personnage qui, au train où vont les choses, sera l’un des favoris au titre d’Africain de 2013 : Idriss Déby Itno. Pilier de Serval au Mali, faiseur (et défaiseur) de roi en Centrafrique, le président tchadien est, qu’on le veuille ou non, incontournable en ce début d’année. On le savait physiquement courageux et presque insubmersible, on le découvre proactif, redoutablement habile et sachant prendre des risques. Résultat : plus personne à Paris n’agace « Idi » avec le dossier – pourtant cher aux socialistes – de la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, tous ses opposants se sont ralliés comme un seul homme à son intervention malienne, et aucun de ses pairs d’Afrique centrale n’est venu contrarier ses plans dans ce protectorat tchadien de facto qu’est devenue la République centrafricaine. Joli coup de billard à trois bandes et signe patent d’une baraka qui ne se dément pas.
On dira, certes, que si la chance est le fruit de l’audace et d’une préparation minutieuse, elle n’a rien à voir avec la morale. C’est ce que doit penser François Bozizé en son exil camerounais, lui qui a la furieuse impression d’avoir été jeté comme un kleenex pour ne pas s’être montré assez docile. Mais les rapports de force et les intérêts nationaux n’ont cure, hélas, de la morale. La politique, disait Max Weber, consiste à déjeuner avec le diable, à condition bien sûr de se munir d’une longue cuillère. Cela, Idriss Déby Itno et la plupart des chefs d’État africains ont appris à le faire bien avant d’accéder au pouvoir. François Hollande, dont toute la démarche est encore imprégnée de morale et de leçons de vertu, beaucoup moins. Lorsque Jérôme Cahuzac, au cours d’un tête-à-tête désormais fameux, lui a juré les yeux dans les yeux qu’il était innocent, il l’a donc cru. « Idi », lui, ne serait jamais tombé dans ce piège…Lire l’article sur Jeuneafrique.com