Le processus de décolonisation tracé par la France à ses colonies d’Afrique noire consiste en une marche progressive. D’abord, reconnaitre aux Africains une citoyenneté au lieu de l’appellation « indigènes », les faire participer à la « chose publique ». Ensuite, leur accorder une autonomie au sein de la Communauté française, puis l’indépendance.

Après la promulgation de la loi cadre Gaston Defferre en juin 1956, le territoire du Tchad connaitra son premier conseil de gouvernement, des gouvernements provisoires. Puis après la proclamation de la République, les premiers gouvernements qui conduiront le pays à l’indépendance en 1960.

L’adoption de la loi cadre le 23 juin 1956 avait pour objectif d’associer plus étroitement les populations d’outre-mer à la gestion de leurs propres intérêts. Relevant du ministère de la France d’Outre-mer, des mesures de décentralisation et de décentration administratives sont aussi intervenues. Ainsi, en ce qui concerne le Tchad, à partir de mars 1957, il y a eu des élections à l’Assemblée territoriale. Des décisions concernant le collège unique et le suffrage universel seront pour la première fois appliquées au Tchad. Au total 65 conseillers devraient être élus.

La vie politique devient très animée. La campagne électorale débute et met en course quelques politiques notamment, le PPT/RDA, l’UDIT, le PSIT, l’AST et le MSA. A l’issue de ces élections, le premier conseil du gouvernement du Tchad est mis en place.

Formé le 13 mai 1957, ce premier conseil de gouvernement du Tchad ne comprend que huit membres avec à sa tête, Gabriel Lisette comme vice-président, ministre de l’Economie. Il y avait d’autres personnalités comme Abba Sidick (ministre de l’Instruction publique), Baba Hassane (ministre des Affaires étrangères), Djibrine Kherallah (ministre des Finances), Jean-Baptiste (ministre du Plan, du Paysannat et de la Coopération), Moussa Ngarnim (ministre de la Fonction publique), Pierre Toura Ngaba (ministre de l’Agriculture et du Commerce) et André Vazel (ministre de l’Intérieur).

Ce premier conseil de gouvernement sera remanié deux fois avant la proclamation de la République. Le 7 juin 1957, le premier remaniement a fait entrer au gouvernement, Coumatteau comme ministre de l’Enseignement technique, de la Jeunesse et des sports. Le second, intervenu en mai 1958 a vu partir du gouvernement Jean-Baptiste.

Après la proclamation de la République du Tchad le 28 novembre 1958, les premiers gouvernements provisoires du Tchad sont formés. Le premier avec à sa tête comme chef du gouvernement Gabriel Lisette a été formé le 16 décembre 1958. Il comprend quinze membres issus de différents partis politiques dont la majorité du PPT/RDA.

Début 1959, précisément, le 11 février, le deuxième gouvernement provisoire est formé sous la direction de Sahoulba Gontchome du parti GIRT comme premier ministre. Ce gouvernement voit partir la majorité des membres du PPT/RDA. La même année, le 12 mars 1959, le chef du parti Mouvement Socialiste Africain (MSA), Ahmed Koulamallah devient premier ministre. Il forma le troisième gouvernement provisoire avec des personnalités issues de son parti et d’autres du PPT/RDA, du GIRT, de l’AST et de l’UDIT. Ce gouvernement ne dure que douze jours. Koulamallah est renversé par le PPT/RDA. Le futur président du Tchad, Ngarta Tombalbaye forma le quatrième gouvernement provisoire en qualité de premier ministre.

L’instabilité gouvernementale constatée est due au système de formation du gouvernement. Les partis politiques se font de coalisation, à l’assemblée, pour faire tomber, tel ou tel premier ministre. Un historien tchadien écrivait « le summum de l’instabilité institutionnelle qui caractérise les premiers gouvernements du Tchad est atteint. Ces balbutiements politiques sur fond d’intrigues et d’inamovibilité traduisent peut être un certain noviciat politique qui va engendrer de graves querelles entre les frères tchadiens ». 

Ainsi, a l’issue des élections législatives de mai 1959 remportées par le PPT/RDA, le premier gouvernement de la République du Tchad a été formé le 16 juin 1959 avec à sa tête Ngarta Tombalbaye, premier ministre. Ce gouvernement comprend dix ministres et quatre secrétaires d’Etat. Les partis politiques représentés sont le PPT/RDA, l’AST, l’UDIT et le GIRT.

C’est sous les auspices de ce gouvernement dirigé par Ngarta Tombalbaye que le Tchad accédera à l’indépendance. Après le 11 août 1960, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre sur le ciel tchadien. La gestion de la chose publique revient désormais aux Tchadiens.

Adam Hassane Deyé