Le régime de transition mis en place le 20 avril 2021 vient de signer, ce lundi 8 août 2022, un accord de paix à Doha au Qatar. Au total 43 mouvements dits politico-militaires ont apposé leur signature au bas du document pour mettre fin à leur contestation armée. Le nombre des signataires est un record dans l’histoire des accords politiques ou politico-militaires entre les frères tchadiens.

Khartoum, Kano, Lagos, Tripoli…aujourd’hui, Doha. Plusieurs villes ont servi de cadre pour les frères « ennemis » tchadiens pour la signature des accords de paix dont l’objectif est surtout de mettre fin à la guerre de pouvoir. Vers la fin des années 1970, l’accord de Khartoum intervient pour ramener Hissein Habré au bercail. En effet, du 2 au 16 septembre 1977, Hissein Habré à la tête de sa délégation des Forces Armées du Nord (FAN), engagent des pourparlers à Khartoum (Soudan) avec la partie gouvernementale dirigée par le vice-président du régime du Conseil Supérieur Militaire (CSM), Djimé Mamari Ngakinar. Un accord sera signé à l’issue des discussions et Habré rentre au pays et occupe le poste de Premier ministre. La mise en œuvre de cet accord entrainera le pays dans l’impasse et finira par le plonger dans la guerre entre 1979-1980. Plus d’une dizaine des mouvements armés se retrouvera à N’Djaména. La guerre des tendances pour le pouvoir sera à l’origine de la tenue des conférences de Kano et Lagos avec les accords dits de Kano I et II ainsi que Lagos. Tous ces accords signés entre des mouvements rebelles de l’époque ont pour objectif le partage du pouvoir et le retour de la paix. L’échec de ces accords sera à l’origine des guerres entre les principales tendances armées de Goukouni et Habré.

La prise du pouvoir par Habré en juin 1982 mettra fin à la guerre de tendances mais pas à la rébellion armée où plusieurs mouvements étaient restés hostiles à sa gouvernance. Hissein Habré a pu faire rallier à sa cause plusieurs chefs rebelles en signant des accords parcellaires.

La lutte contre la dictature mise en place par le régime Habré sera menée par des groupes armés ayant formé une seule coalition à Bamina au nom du Mouvement Patriotique du Salut (MPS). Hissein Habré finit par être chassé par le MPS en décembre 1990. La démocratie est instaurée. Les partis politiques sont autorisés. Les associations se sont créées. Mais, malgré la démocratie, en 30 ans de pouvoir, le défunt maréchal Idriss Déby Itno, a fait face à des nombreuses rébellions. Tout en résistant, le maréchal, a aussi signé des nombreux accords avec ces mouvements armés. Le régime MPS a, en effet, fait face à des rébellions, notamment, du MDD, le FNT, le CNR, le CSNPD, les FNR, le MDJT, les RFC, l’UFDD, l’AN, l’UFR et la rébellion du FACT qui lui a coûté la vie, en avril 2021.

Les accords entre le régime et les rébellions sont souvent basés sur un cessez-le-feu, la démobilisation des combattants et leur réinsertion, entre autres. Par exemple, le MDJT qui était fondé en 1998, avait regagné la légalité signant en janvier 2002, un accord de paix et de réconciliation avec le gouvernement. Un accord signé sous l’égide de la Libye. Un autre accord de paix signé à Syrte, en Libye, entre gouvernement et des leaders de l’UFDD, de l’UFDD-F, du RFC et du CNT. Plusieurs autres mouvements armés ont signé des accords de paix sous le régime du président Idriss Déby Itno.

Succès ou échec des accords de paix

Pour beaucoup d’observateurs, les accords entre gouvernement et groupes armés, même s’ils sont bien formulés et la responsabilité de chaque partie soulignée, l’application a toujours posé problème. La mise en œuvre d’un accord est souvent sujet à interprétation. C’est pourquoi, dans certains cas, les deux parties (gouvernement et mouvements rebelles, ou avec les pays voisins), s’accusent mutuellement de violation de l’accord. Les mouvements politico-militaires aussi, accusent parfois le gouvernement de ne pas mettre en application toutes les dispositions des accords. Le problème surgit, très souvent, lorsque les combattants des mouvements rebelles n’arrivent pas à trouver leur compte alors que leurs chefs occupent des postes de responsabilités, parfois à des hautes fonctions de la République. Des anciens chefs rebelles sont devenus des ministres, gouverneurs ou autres au sein de l’administration. Les combattants, quant à eux, attendent à un reversement dans l’armée régulière, à la Police ou la gendarmerie.

Cependant, dans la plupart des cas, après chaque signature d’un accord, il y a le retour de la paix. Les mouvements politico-militaires regagnent la légalité et participent à la gestion du pays. L’accord de Doha, sera, certainement, aussi regardé de près s’il sera appliqué par les différentes parties prenantes en vue d’un retour définitif de la paix au Tchad.