Donc, la République Centrafricaine (RCA) a sombré dans la violence. Le président de la transition Michel Djotodia (MD) est incapable d’assurer la stabilité, la sécurité. Son parrain, le président tchadien Deby Itno (DI) est désemparé par la situation chaotique qui y règne. Trois raisons expliquent comment, sciemment ou inconsciemment, DI a aidé à installer le chaos en Rca ?

D’abord parce que le président DI était hanté par la volonté d’affranchissement politique de l’ancien président centrafricain François Bozizé (FB). Il a tout fait pour le chasser du pouvoir. Fort de ses pétro-francs, Deby Itno considère la RCA comme sa cour arrière. Et joue au faiseur de roi depuis plusieurs années. Aussi, la responsabilité des dirigeants centrafricains est immense dans cette galère. Ils ont laissé Deby Itno s’immiscer dans leurs affaires sans crier garde. D’ailleurs, plusieurs ont fini par prendre l’habitude de défiler dans la capitale tchadienne, N’djamena. Certains, pour demander des conseils. D’autres pour quémander de l’aide et leur adoubement.

Ensuite, en aidant Djotodia à renverser Bozizé, le président tchadien pensait faire d’une pierre 2 coups. Il espérait un contrôle direct sur une partie des éléments de la coalition Seleka constituée en grande partie par ceux qu’on appelle « mercenaires tchadiens ». Ces derniers sont pour la plupart le reste des rebellions tchadiennes qui ont failli renversé Deby Itno en 2008. La peur du président, c’est de voir une partie de cette rébellion se reconstituer contre lui en RCA.
Une autre raison fondamentale explique ce chaos : une erreur de casting sur le leader de la Seleka : Michel Djotodia. Il est issu du nord. Il est musulman dans un pays où le musulman est considéré comme un étranger. Ce qui est faux. Pire, Bozizé, en quittant le pouvoir a semé la graine de la haine en doigtant le Tchad. Et en criant à l’islamisation de la Rca. N’Djamena a sous-estimé cela. Espérant qu’à travers les contingents de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), majoritairement constitués de militaires tchadiens aguerris, tout rentrera dans l’ordre. Une erreur fatale. Le président tchadien s’en est aperçu quelques mois plus tard. Il alerte alors l’opinion internationale sur un éventuel conflit religieux dans ce pays. A Paris, lors du sommet France-Afrique, il plaide une intervention de la communauté internationale en brandissant le funeste souvenir du génocide rwandais en Rca, si rien n’est fait. Dans la foulée, il affirme que le faible effectif de la force de la CEEAC, ne pouvait à l’époque, empêcher la Seleka de s’emparer du pouvoir.

Enfin, le président Deby Itno a choisi délibérément de jouer un jeu dangereux. En voulant par tous les moyens apparaître comme un leader incontournable, il a mis en danger la communauté tchadienne dans ce pays. Une communauté estimée entre 10 à 30.000 personnes. Elle était appréciée pour son dynamisme économique. Aujourd’hui, le Tchadien est considéré, à tort, comme un paria. Juste pour cela, le président Deby Itno doit des explications aux Tchadiens. Et même des comptes pour avoir, par sa pseudo politique de puissance sous régionale, exposé ses compatriotes à la vindicte populaire centrafricaine.

Aux dernières nouvelles, le Tchad a entrepris d’évacuer ses ressortissants. Tant mieux. Cette évacuation aurait pu être amorcée plutôt. Il y a souvent dans ce que N’Djamena entreprend une espèce d’autisme politique. Quand personne autour du président ne peut le raisonner, soit par peur de perdre un avantage, soit par envie de plaire, la tragédie n’est pas loin. Et les dictateurs ont une qualité, celle de mener leur peuple vers des tragédies. Les tchadiens de Centrafrique ont frôlé le tragique.

Bello Bakary Mana