L’ancien ministre de la sécurité limogé fin avril vient de rebondir à la présidence, comme conseiller spécial. Il commençait à nous manquer…

“Tamass na oh maraqna lem be dakal gaï narjom“ (traduction: nous avons plongé pour immerger et les attendre à l’intérieur, entendez la présidence) avait-il confié à un de ses visiteurs, un de ces soirs quand un nième décret l’a rappelé aux responsabilités auprès de son mentor Idriss Déby Itno. Fantasque, zélé au risque d’en venir aux mains, grand cœur et thuriféraire quand il le faut, Ahmat Mahamat Bâchir vient de faire son come-back sur la scène publique comme conseiller spécial du chef de l’Etat, le 13 juin dernier après avoir été viré sans ménagement fin avril. Retour sur le parcours d’un personnage qui commençait déjà à nous manquer!

C’est au début des années 2000 que le personnage est révélé au grand public par son entrée au gouvernement comme ministre de l’éducation nationale. Il était avant sa nomination directeur général de l’Institut national de la statistique. L’homme n’attendra pas longtemps avant de se signaler. Quand des rejetons du chef de l’Etat se font renvoyer du Sacré Cœur pour inconduite, c’est sans aucune retenue qu’il tance la Sœur directrice de les réintégrer. Quand notre confrère Nadjikimo Benoudjita s’indigne dans les colonnes de Notre temps d’une tendance à la «Ouaddaisation de l’éducation nationale», il décroche son téléphone pour le menacer de lui couper toute publicité! On se souviendra aussi qu’à l’époque, alors que son chargé de relations publiques était malmené par un visiteur pas très poli, il n’a pas hésité à se débarrasser de sa gandoura pour porter secours à son collaborateur dans un pugilat qui a fait les entrefilets dans la presse…

«Mercenaires à la solde de… »

En 2005, à la fin du deuxième mandat d’Idriss Déby, dans un climat politique alourdit par les rebellions à l’Est et le boycott par l’opposition du processus électoral, c’est au soldat Ahmat Bâchir qu’est confiée la responsabilité d’organiser les élections en qualité de président de la CENI. En conférence de presse, au lendemain de l’attaque de N’Djaména par les rebelles, quand un journaliste lui demande s’il ne craint pas que les rebelles perturbent les opérations de vote, il lui rétorque en toute indépendance «où sont-ils? On ira les bombarder !».

C’est au ministère de l’intérieur où il a été promu que l’homme a établi sa popularité par ses saillies et autres sorties pour le moins maladroits. Combien de personnes a –t-il traité de mercenaires? Voyous de la Ré publique? Hommes politiques tchadiens et de l’étranger ou Tchadiens, journalistes dont il a souvent menacé de casser la plume, policiers et autre anonymes étaient nombreux à lui témoigner leur sympathie quand un de ses compagnons de soir lui a tiré une balle au pied. «C’est un mercenaire que j’ai d’ailleurs terrassé dans la bagarre» a-t- il lancé à des visiteurs. Si l’ancien étudiant en administration de Bordeaux n’est connu que pour son côté fantasque, il reste pour ses amis et anciennes connaissances un personnage magnanime qui sait donner du Ngatog (grand-frère) à ses anciens du lycée de Sarh où il a passé une partie de sa jeunesse ou encore du Koya (cousin en sango) quand il se rend compte que vous parlez cette langue de la Centrafrique où il a passé son baccalauréat au début des années 1980.

Fin avril 2013, contrôle général des effectifs de la police. Le ministre de la sécurité, promu à titre exceptionnel, contrôleur général de la police n’a pas pu justifier son grade et est reparti sous les quolibets de ceux qui, la veille encore, se mettaient au garde à vous pour écouter ses injonctions. Il sera débarqué dans la soirée, victime, dit-on, de la sourde guerre qui l’oppose à son meilleur adversaire dans les rangs des sécurocrates, Mahamat Ismaël Chaïbbo… Aussitôt débarqué, il a fait le mort. Pas pour longtemps. Quelle face nous montrera le nouveau Bâchir? «Tout dépendra de la mission que lui confiera son mentor» prophétise une de ses connaissances.

Source: journaldutchad.com