Le premier coup d’Etat renversant un chef de l’Etat au Tchad s’est déroulé le 13 avril 1975. Ngarta Tombalbaye, père de l’indépendance, en a été victime. De fin mars à début avril 1975, Ngarta a fait trois discours parlant d’un malaise au pays et sentant, presque, sa fin arrivée. Quest-ce qu’il a dit ? Tchadinfos.com revient dessus pour vous.

Le discours du 6 avril 1975. Le président Ngarta s’est exprimé suite aux incendies de dépôts d’armes de la Compagnie tchadienne de sécurité (CTS) de N’Djaména et Sarh. D’autres incidents, au courant de la même semaine, ont eu lieu dont celui du camp de la gendarmerie de N’Djaména. Il s’en est suivi des arrestations de quelques cadres militaires, notamment, Djimé Mamari, Kotiga et Négué Djogo.

Ainsi, dans son adresse du 6 avril, Ngarta a, dès l’entame, visé directement, les « officiers, sous-officiers, soldats », en précisant que c’est lui, le chef de l’Etat, le commandant suprême des Forces armées qui leur parle. Se considérant comme leur aîné, leur père, Ngarta fait savoir aux militaires que le Tchad est une jeune patrie sur laquelle les forces armées devraient veiller, défendre les institutions, protéger en toutes circonstances.

Ce jour, tout en reconnaissant qu’il y a du découragements au sein de l’armée, Ngarta appela les militaires à cesser certaines pratiques contraires à l’éthique. Il a critiqué ouvertement le comportement des officiers et même  des soldats qu’il estime bien traité et équipé mais se considèrent en territoire conquis. Il promet une métamorphose de l’armée nationale.

L’après-midi du 8 avril 1975. Cinq jours avant le coup d’Etat, Ngarta prononce un autre discours en présence des militants du Mouvement national pour la révolution culturelle et sociale (MNRCS) à la cité OCAM, à N’Djaména. Ce jour-là, tout en remerciant ses militants, il est revenu sur les dépôts d’armes de la CTS qui ont été incendiés dans la nuit du 30 mars 1975, pour N’Djaména et le 1er avril pour celui de Sarh. Ngarta qualifie les auteurs de ces incendies d’esprits maléfiques et diaboliques.

« Dans la nuit du 3 au 4 avril, des Français, ceux-là cette fois-ci à notre service, pour votre sécurité, payés par vous mensuellement ont été attaqués par des Tchadiens. Qu’est-ce qui nous reste ? Sommes-nous des hommes ? », s’interroge-t-il avant d’ajouter que « des gens à notre service, qui veillent sur notre sécurité, ceux-là que nous abattons parce qu’on nous demande de les abattre pour redevenir davantage plus esclaves et nous trouvons tout cela normal. Et nous disons que nous sommes des officiers à la tête de troupes, que nous avons la responsabilité d’assurer la sécurité du pays. Voila encore le problème du Tchad et les imbécillités ».

Ngarta de justifier que s’il s’était rendu personnellement à la gendarmerie cette nuit, c’est pour, dit-il, deux raisons. « d’abord pour ne pas assister au triste désordre provoqué par des mains tchadiennes alors que le cerveau se trouvait à l’intérieur, ensuite pour prouver à ces Français qui sont à votre service et qui vous servent, qui veillent nuit et jour sur vous, pour votre liberté, la santé, la liberté de vos enfants », déclare-t-il.

Il accuse de nouveau les officiers de l’armée en rappelant aux responsables comment se conduire. « Je vais vous dire le sens profond du chef. Le chef, n’est pas celui qui reste derrière. Lorsqu’il s’agit de porter de costumes comme celui-ci, des cravates, des lunettes, le confort, on est chef. Lorsque le feu atteint les administrés, on est derrière. Ce n’est pas le sens de chef, et tout ce monde, qu’il s’appelle général, qu’il s’appelle colonel, qu’il s’appelle tout, je ne sais comment vous dire, tous ceux qui sont à la tête de cette responsabilité doivent être les premiers à être abattu avant que viennent tomber les administrés, les sujets ».

Le 8 avril 1975, dans la soirée, sur les ondes de la radio nationale. C’était le dernier discours de feu Ngarta Tombalbaye. Il a évoqué la question de la révolution culturelle et sociale. Il demande à ses militants de se mettre totalement au service de cette révolution. Tout en rappelant les richesses du pays, ses ressources non encore exploitées, il tacle ses adversaires de vouloir chambarder son pouvoir.

« A vous militantes et militants de base du MNRCS, je dis, l’ère de passivité est définitivement close pour vous et pour le Tchad. Préparez-vous à faire face à l’histoire, le front haut, l’âme fière. Il y va de votre salut, de celui de vos femmes et de vos enfants. Soyez prêts ! », a-t-il galvanisé.

Après ces trois discours, Ngarta sera emporté par un coup d’Etat perpétré par les militaires qu’il craignait. La date du 13 avril 1975 est restée à jamais dans la mémoire collective au Tchad.