La deuxième édition du forum national inclusif convoqué pour évaluer les résolutions de 2018, a proposé l’instauration de la vice-présidence. Si cette résolution venait à être concrétisée, le Tchad instituera une fonction qui a été essayé trois fois dans l’histoire du pays dans des conditions particulières.

Après son indépendance le 11 août 1960, le Tchad était dirigé, naturellement, par un président avec son gouvernement. Le poste de premier ministre qui était chef de l’exécutif pendant le processus de décolonisation, disparaitra avec l’arrivée au pouvoir du premier président Ngarta Tombalbaye.

Les militaires ayant renversé le premier régime ont mis en place le Conseil Supérieur Militaire (CSM) dont le président est le général Félix Malloum de facto président de la République, et le colonel Djimet Mamari, vice-président du CSM et ministre de l’Intérieur. Après trois ans d’exercice du pouvoir et face aux rebelles du Frolinat, les militaires ont fait rallier le président des Forces Armées du Nord (FAN), Hissein Habré dont le retour chamboulera l’ossature de l’exécutif avec la dissolution du CSM et l’instauration du poste de premier ministre. Ainsi, le vice-président du CSM, Djimet Mamari s’efface et laisse place désormais au président de la République, Félix Malloum et au premier ministre Hissein Habré, les désormais deux chefs de l’exécutif.

Le poste de vice-président apparait dans le pouvoir exécutif tchadien, pour la deuxième fois, pendant la période trouble entre 1979-1982. Après la guerre civile, la chute du président Malloum et les conférences de Kano, les protagonistes, chacun dans sa tendance politico-militaire, décident de former un gouvernement d’union nationale. Ainsi, Goukouni Weddeye sera président du GUNT (gouvernement d’union nationale du Tchad) avec comme vice-président Kamougué Wadal Abdelkader. A l’époque, le GUNT n’a pas eu une bonne marge de manœuvre pour bien mettre en œuvre son programme politique, en proie à une fronde rebelle, surtout d’une crise interne avec des chefs de guerre qui ne veulent pas obéir, les uns aux autres, le vice-président en personne ayant quitté N’Djaména pour former le Comité Permanent au sud du pays.

Arrive une nouvelle période. Après sa prise de pouvoir en décembre 1990 sous la bannière du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), Idriss Déby a d’abord instauré une transition dirigée par un Conseil d’Etat présidé par un Chef qui est aussi le chef de l’Etat. La transition dispose aussi d’un parlement appelé Conseil Supérieur de transition (CST) et d’un gouvernement dont les membres sont appelés des Commissaires.

Ainsi, le Conseil d’Etat représente l’exécutif de la transition et le pouvoir législatif représenté par la CST. C’est dans ce contexte qu’un tout premier gouvernement de 33 membres sera formé dans la première semaine de décembre 1990. Ils sont au total vingt commissaires, deux commissaires délégués et neuf commissaires adjoints. Un secrétaire général et son adjoint sont aussi désignés. Le conseil d’Etat est présidé par le chef de l’Etat, Idriss Déby avec un vice-président en la personne de Moldom Bada Abbas, l’un des principaux leaders ayant formé le MPS pour faire tomber Hissein Habré. La vice-présidence du Conseil d’Etat s’effacera avec la nomination d’un premier ministre en mars 1991. Le premier des premiers ministres du régime MPS, M. Jean Bawoyeu Alingué formera son gouvernement le 4 mars 1991 et désignera le désormais ex vice-président du Conseil d’Etat, Moldom Bada Abbas comme ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur.

Moldom aura été aussi vice-président de la République dans presque les mêmes conditions que ses deux prédécesseurs. Les trois personnalités ayant occupé ce poste l’ont été toujours pendant des périodes, soit, de trouble, soit de transition. Un poste qui n’est pas consacré par la loi fondamentale légalement votée par un référendum.

L’histoire de la vice-présidence est ainsi interrompue avec Moldom Bada Abbas pour réapparaitre dans les débats lors de cette deuxième édition du forum national inclusif. Il faut attendre qu’une loi soit prise pour déterminer les prérogatives du futur vice-président. Lors des débats, les voix n’ont pas été tout de même unanimes. Si certains ont approuvé la création du poste, d’autres ont souhaité le retour de la primature.

Les deux chefs de file de la majorité et de l’opposition, ont des positions bien opposées. Le secrétaire général du MPS, chef de file de la majorité présidentielle, Mahamat Zène Bada, tout en tranchant sur leur position en faveur de la création du poste de vice président, souhaite que les modalités soient indiquées dans la Loi. En rejetant le retour de la primature, Zene Bada estime qu’avoir encore une administration bis de la Présidence ne marchera pas. « Il faut avoir un vice-président », martèle-t-il.

Le secrétaire général du MPS insiste sur le fait que les charges d’un Président de la République sont à la fois internes et externes, expliquant que, parmi ces charges, certaines constituent l’administration, d’autres diplomatiques. De ce fait, à en croire Zene Bada, il faut un vice-président pour suppléer le président de la République.

Le chef de file de l’opposition, M. Romadoumngar Félix Nialbé, dont le fondateur de son parti, avait été déjà vice-président de la République, est curieusement, contre la création de ce poste. « Le meilleur c’est d’avoir un premier ministre qui rend compte au peuple de l’exécution du programme politique du président de la république devant les représentants du peuple à l’assemblée », a-t-il proposé.

Ferme sur sa position, M. Romadoumngar Félix Nialbé, d’insister que, la vice-présidence est porteuse de germe de division. Fait-il allusion aux périodes troubles où la vice-présidence a vu le jour ? Dans tous les cas, la résolution concernant la vice-présidence est adoptée en attendant sa confirmation par la loi et la nomination de celui qui occupera le poste.