SOCIÉTÉ – 8 mars, les femmes du monde célèbrent leur journée. Une occasion pour celles du Tchad de prendre du recul, se remémorer leurs préoccupations et de revendiquer leurs droits afin de sortir de cet écueil de victimisation, de marginalisation et de violences quotidiennes.

La Senafet 2020 est marquée par de nombreuses activités et manifestations dans tout le pays. “Genre: enjeux et perspectives”, à travers cette problématique, les Tchadiennes ont pour aspiration de lever l’équivoque sur leur autonomisation, leur émancipation ainsi que et surtout la lutte contre des exactions ou violences faites à l’endroit des femmes et des filles qui est une actualité brûlante. Les femmes concentrent et multiplient leurs actions pour réitérer leur volonté de promouvoir leurs droits et revendiquer leur participation active à la vie politique et économique du pays. Outre, elles accusent un retard patent sur les hommes dans plusieurs domaines socioprofessionnels. Mais la femme tchadienne n’est plus l’éternelle vulnérable et assistée d’il y a peu. Pour étayer ces assertions, 3 pans de voile sont levés en guise d’illustrations.

1- Éducation

Maintes réformes et innovations aux plans juridique et institutionnel ont été faites. Cependant, l’éducation des filles est encore à la traîne et demeure une gangrène alarmante dans l’atteinte des objectifs 2030 pour le développement. En dépit des avancées constatées, notre système éducatif est bancal et défavorise le maintien des filles sur les bancs. Selon le PNUD, le taux brut de scolarisation au Tchad est de 36%, ce qui le place ainsi parmi les derniers au monde en la matière. Le taux des filles scolarisées représente à peine les 10%. Fait dû aux pesanteurs sociales néfastes à l’instruction des filles. L’éducation familiale incite la fille à s’investir plus dans l’apprentissage les tâches domestiques qu’autre chose. Alors la jeune fille s’attèlera à trouver un bon mari pour l’entretenir. Pénible de poursuivre ses études quant au matin, elle doit balayer la cour, laver les tasses. Les ménages cultivent une réalité qui pénalisent sévèrement la fille au détriment du garçon qui le droit d’aller au cinéma ou de jouer au foot par exemple. L’approche genre dans l’éducation est une alternative pour l’émancipation et l’égalité des sexes. Avec un Indice de développement humain (Idh) de 0.34, le 3/4 de la population tchadienne est analphabète. Le faible taux d’éducation des filles, surtout en milieu rural est sujet aux persistances de certaines perceptions et pratiques traditionnelles (coutumes, mœurs, mariages précoces, agressions sexuelles, etc.). Selon un rapport du système des Nations-Unies récemment publié, bien que la proportion de la population féminine soit élevée comparée à celle des hommes, les filles sont beaucoup plus assidues et travailleuses à l’école que les garçons malgré qu’elles soient paradoxalement peu représentées sur les bancs.

2- Santé

Soumise à la pauvreté et à l’ignorance, le statut de la femme est infériorisé dans une société particulièrement phallocrate. Un difficile accès aux services de soins adéquats malgré  un récent intérêt de l’Etat à l’encontre des femmes ; ce qui ne réduit toujours pas la mortalité maternelle, infantile et néonatale. La santé maternelle et reproductive reconnue par les autorités publiques comme l’un des facteurs indispensable au développement du pays se doit à cet égard d’être au centre des réflexions. Améliorer les conditions de la femme passe inéluctablement par la garantie de sa bonne santé afin d’assurer ses conditions de bases essentielles. De part et d’autre, des efforts sont relativement consentis par le gouvernement: la construction des édifices médicaux et sanitaires, par des subventions et la gratuité des services urgences, même si problématique. Dans le profond pays, beaucoup de femmes donnent naissance dans des circonstances extrêmes, sans assistance médicale ni suivi quelconque. Généralement dans de tels cas, elles sont exposées à des facteurs de risques énormes liés aux maladies diverses.

3- Économie.

La femme intervient au plan socioéconomique, tant en milieu rural qu’urbain et dans des secteurs clés à savoir la production alimentaire, la commercialisation des produits agricoles, artisanaux, laitiers, halieutiques, etc. Dans les secteurs ruraux et informels piliers de l’économie nationale, les femmes sont majoritaires. Elles y font un dynamisme indéniable. Des marchés de campagnes jusqu’aux grandes villes comme N’Djamena, Moundou ou Abéché, les femmes sont très présentes. Vendeuses aux détails ou grossistes, exportatrices ou importatrices et  même chefs d’entreprises prestigieuses et prospères. Elles exercent également dans le transit et transport. La plupart des échanges commerciaux sont faits avec et par des femmes. Les femmes ont un accès difficile aux crédits et aux emplois décents. Par contre dans l’économie formelle, les disparités sont prégnantes dans le traitement, l’égalité de rémunération et la main d’œuvre à valeur juste et égale. Les femmes sont victimes de condescendance et de marginalisation dans les administrations. Souvent, elles sont recalées au rang de subalternes et de secrétaires soumises et corvéables. Toutefois, notons que ces 20 dernières années le taux d’emploi des femmes a augmenté de 40% d’après les dernières estimations du ministère de l’économie et du commerce.

Certes, il y a une ambition louable à la question de la promotion et de la sécurité de la femme mais il manque un mécanisme national de coordination au plus haut de l’élite. Au-delà de son quota de 30% de représentation de la gent féminine parmi ses membres qui peine à se consolider, le gouvernement doit assumer pleinement ses engagements et responsabilités pour éliminer toutes les formes de discriminations et violences envers les femmes. Car souvent l’on a l’impression qu’il y a un déphasage entre les textes et les moyens alloués pour leur application. La femme doit être épanouie en société et au sein de son foyer pour une démocratie plus juste.

BACTAR Frank I.