Les élites politiques sud-soudanaises détournent illicitement des millions de dollars, sapant les droits de l’homme fondamentaux et la stabilité, a constaté jeudi la Commission onusienne des droits de l’homme sur le Soudan du Sud.

L’ONU Info rapporte que dans le dernier rapport présenté jeudi au Conseil des droits de l’homme à Genève, les enquêteurs onusiens notent que plus de 73 millions de dollars américains ont été détournés depuis 2018. « Dans un seul exemple emblématique, des transactions d’une valeur d’environ 39 millions de dollars américains ont été détournées sur une période de moins de deux mois », ont fustigé les enquêteurs de l’ONU. 

Selon la Commission, ce chiffre ne représente qu’une « fraction du montant global pillé » et la partie visible de l’iceberg. « Comme le Président Salva Kiir l’a lui-même admis dès 2012, les élites dirigeantes du Soudan du Sud ont détourné plus de 4 milliards de dollars », a déclaré la Présidente de la Commission onusienne, Yasmin Sooka, citée par ONU Info.

« La documentation de la Commission sur la corruption, le détournement de fonds, les pots-de-vin et les malversations de fonds publics par les élites politiques n’est que la partie émergée de l’iceberg », a-t-elle ajouté.

Selon Mme Sooka, les élites sud-soudanaises ont délibérément adopté un système très informel de collecte des revenus pétroliers, dans lequel l’absence de contrôle indépendant et de transparence facilite et permet le détournement de fonds publics.

Des processus tout aussi défectueux et non transparents pour le paiement des contrats, les achats et les recettes sont exploités de manière illicite pour détourner les recettes non pétrolières. A ce sujet, la Commission a révélé comment un seul paiement effectué illégalement en mai 2018 par le ministère des Finances à l’homme d’affaires soudanais Ashraf Seed Ahmed, également connu sous le nom d’«Al Cardinal », représentait un pourcentage stupéfiant de 21,6 % du budget total du Soudan du Sud, rapporte ONU Info.

Le rapport a également montré comment « le détournement systématique et illicite des ressources » de l’État a gravement porté atteinte aux droits socio-économiques et culturels des citoyens. « Ce pillage continue également d’alimenter la compétition politique entre les élites et constitue un moteur essentiel du conflit en cours, des violations et des crimes graves, compromettant les perspectives de paix durable », ont fait valoir les enquêteurs.

Des individus ciblés

Face à ces « abus », la Commission indique avoir identifié plusieurs individus qui seraient liés à des violations des droits de l’homme et à des crimes économiques connexes, et les a inclus dans sa liste confidentielle qui sera transmise au Haut-Commissariat aux droits de l’homme afin de faciliter des enquêtes et des poursuites.

Plus de 80% de la population du Soudan du Sud est considérée comme vivant dans une extrême pauvreté. Selon l’ONU, le pays traverse la pire crise alimentaire observée depuis l’indépendance, avec plus de 7 millions de femmes, d’hommes et d’enfants endurant une faim sévère, ce qui représente le nombre le plus élevé jamais enregistré depuis 2011. Des dizaines de milliers de civils vivent dans des conditions de famine.