Sidoti Bétel est conseiller municipal de la ville de Sarh, élu en 2012 pour le compte du parti Action tchadienne pour l’unité et le socialisme (Actus). Il à la réputation de ne pas avoir sa langue dans la poche, ce qu’il le démontre dans l’interview exclusive accordée.

Les communes pour la plupart éprouvent des difficultés dans leur fonctionnement. Qu’en est-il de la ville de Sarh ?

C’est la mairie qui a le plus de problème, même si le pire semble être ailleurs. Ici le problème de salaire crève le plafond, parce que nous tendons vers le 26e mois d’arriéré de salaire. Il n’y a pas de solution en vue jusque là. Les autorités de tutelle se succèdent, promettent de résoudre le problème et obtiennent des sursis du personnel qui est en grève permanente, mais au final toujours rien.

Pourtant la commune génère des revenus grâce à la collecte des taxes ?

Ce qui est vrai, c’est que les collecteurs ont un réseau dirigé par l’exécutif communal. Ce sont eux qui savent où vont les recettes. Chaque jour sur le marché moderne, les petits marchés de la ville, les boutiques, auberges, restaurants, etc. les recouvrements s’opèrent mais la destination finale des recettes est toujours un mystère. Nous avions en son temps dénoncé cet état des faits et amené le gouverneur sortant Abadi Sair à prendre un acte pour supprimer le service de l’assiette fiscale de la commune. Pendant cinq ans, ce service alimentait uniquement l’exécutif. Les maires ponctionnaient des centaines de milles comme ils voulaient chaque jour, alors qu’au niveau du personnel, quand survient un problème social ou un cas de maladie, il était impossible à l’agent d’être assisté ou de prêter un kopeck. Les recettes ne prenaient jamais la direction du trésor public.

Qu’en est-il d’autres problèmes liés à l’hygiène, l’assainissement ou l’éclairage public ?

A propos de l’insalubrité n’en parlons pas. Heureusement que de temps en temps, la population contribue à l’enlèvement des ordures. Sinon à Sarh, c’est sur des ordures que nous devons marcher. En ce moment tous les engins sont en panne. Pendant qu’ils étaient opérationnels, la préoccupation de l’exécutif n’était pas l’enlèvement des ordures mais plutôt l’encaissement des recettes. C’est quand quelques conseillers ou certains citoyens dénoncent sur les ondes des radios l’insalubrité criarde, que l’exécutif réagit en faisant quelques sorties de ramassage pour distraire l’opinion. A l’heure où nous parlons, faites un tour au petit marché de Yalnas pour voir comment les ordures font bon ménage avec les marchandises et les commerçants. Si une épidémie survient à Sarh, nous allons mourir par centaine voire par millier.

Quant à l’éclairage public, il est défaillant par la faute de la population sarhoise qui est incivique. C’est au sein même de cette population que des individus de mauvaise foi volent les batteries et panneaux solaires des lampadaires. Vous ne trouverez pas plus de dix lampadaires qui s’allument depuis l’entrée de la ville à Banda jusqu’à la sortie vers Kyabé, et en suivant les axes bitumés.

Qui dirige l’exécutif communal à Sarh ?

C’est le Mouvement patriotique du salut (Mps) et ses partis alliés depuis 2012. Depuis la session de 2019, une ouverture est faite à l’opposition avec le siège du 2e maire adjoint qui est revenu à l’Urd. Ils se sont enfin aperçus que la ville est trop grande et que le Mps seul ne peut pas gérer la cité. Sur les six arrondissements aussi, deux (le 3e et 4e) sont revenus à l’opposition. Nous sommes 12 conseillers qui représentons 12 partis à la commune, avec des jeux d’alliance et de coalition.

Maintenant que les échéances électorales se profilent à l’horizon, comment Actus entend les aborder dans la province ?

Si Actus survit aujourd’hui dans le Moyen-Chari, c’est par ma propre capacité. Mes chefs ne pourront pas me démentir. J’ai été aussi candidat aux élections législatives, mais suis juste passé à côté faute de moyens. Pour les communales, ma base ne m’a donné que 50 milles francs. Ma force est que je suis très populaire et je dis toujours la vérité. Alors comment dans ce cas, avoir le courage de parler des prochaines échéances, au nom de l’Actus ? En toute sincérité, pour les prochaines campagnes, je compte collaborer ou faire alliance avec un parti dynamique, qui dit la vérité comme je le fais. Mais dire que je vais y aller au nom de l’Actus, je ne le pense pas. A moins qu’un miracle s’opère. Ici à Sarh, les partis qui osent quelques fois dire la vérité sont le Far et l’Urd. Parmi les restes qui se disent de l’opposition, je ne vois aucun qui a assez de cran pour défendre la population de la province et mettre les autorités face à leur responsabilité.

Mais Sarh, ce n’est pas seulement la mairie et les partis politiques,…

Exactement ! Pour mieux en faire le tour, et bien depuis ces trois derniers mois la ville de Sarh vit des problèmes et crises sans précédent, par rapport au foncier. C’est une grande surprise pour tous qu’en pleine ville, le service des cadastres morcelle les espaces réservés au profit des individus. Ces informations nous sont parvenues avec des documents à l’appui, par des agents du cadastre qui ne cautionnent pas cette pratique mafieuse de leurs collègues, en accord avec les autorités locales. J’ai fait convoquer tous les chefs des partis, deux représentants du conseil des sages et tous les conseillers municipaux pour leur soumettre le dossier.

A l’origine de tous ces morcellements se trouve le délégué des infrastructures en personne, qui gérait le service des cadastres quand les ministères n’étaient pas scindés. Les morcellements et bornages mafieux sont ses œuvres et il a induit le gouverneur en erreur en le faisant signer les procès-verbaux. Aujourd’hui, c’est la signature de l’actuel gouverneur qui est mis en cause et c’est lui que la population tient pour responsable de ce désordre. Nous avons remonté ces informations au ministère de l’aménagement du territoire et touchés même les députés par rapport à ces bradages. Nous attendons donc l’annulation de ces procès-verbaux. Ce sont des espaces qui ne peuvent pas être attribués aux individus, mais demeurer la propriété de l’Etat pour l’intérêt public.

Interview réalisée par Moussa Béyadji François