L’actualité tchadienne est animée par le report sine die du dialogue national inclusif, prévue initialement le 10 mai prochain. Certains chefs de partis politiques voient la main cachée de l’ancien parti au pouvoir, le Mouvement patriotique du salut derrière ce report. D’autres estiment que c’est une pression des bailleurs de fonds. L’accusé, le MPS, lui, réfute l’accusation en indiquant que la surenchère ne paie pas.

Le Dialogue national inclusif tant attendu est reporté pour une énième fois alors qu’il est prévu se tenir le 10 mai 2022, à N’Djamena, la capitale tchadienne. Si le gouvernement a tenu mordicus à la tenue dudit événement pour lancer les bases d’une nouvelle transition apaisée devant conduire aux élections démocratiques, libres et transparentes, les politico-militaires, et certains rares partis ont eu à demander son report afin qu’il aboutisse comme voulu par tous. Et pourtant, le dialogue national inclusif devrait même être organisé trois mois après le début de la transition, mais après un an de transition, les tergiversations autour de sa tenue sont toujours visibles. Acteurs politiques et de la société civile et les politico-militaires ne sont pas sur la même longueur d’onde. « Ceux qui ont pris le pouvoir après le décès du président Déby deviennent de plus en plus de l’arlésienne pour ne pas dire des serpents de mer. Tout ce qu’ils promettent, personne ne le voit sur le terrain », indique Max Kemkoye, président du parti Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP).

D’abord, ajoute-t-il, la communauté internationale par l’entremise de l’Union africaine a demandé que le dialogue soit organisé dans les trois mois et c’est ce qui va légitimer la transition mais rien. « Après plusieurs reports et assurances par le président du Conseil militaire de transition pour la tenue du dialogue ce 10 mai, nous voilà encore avec un autre report, et cette fois-ci sans date en trouvant un exécutoire pour dire que ce sont des Qataris, les médiateurs qui ont demandé cela », s’indigne Max Kemkoye. Pour lui, c’est un refus volontaire du Conseil militaire de transition et de son gouvernement d’organiser ce dialogue. « Le CMT redoute des effets de ce dialogue parce qu’à l’issue de ce dialogue, on va participer une recomposition des forces en présence : la réforme de l’armée pour qu’elle soit sincèrement républicaine inquiète. Parce que si certains politico-militaires comme Mahdi, Timan Erdimi, Bichara Idriss Haggar, etc. rentrent au pays après l’accord de Doha, les gens vont craindre des complots permanents et perpétuels bien qu’ils ne seront plus un problème pour le pays. Et c’est pour cela que les gens ne veulent pas de la réussite de ce pré-dialogue de Doha », tranche Max Kemkoye.

La non-tenue du dialogue national inclusif, selon le président d’Alliance nationale pour la démocratie et le développement (AND), Salibou Garba, est que ceux qui gèrent la transition veulent contrôler totalement cette transition et rester au pouvoir après cela avec la bénédiction  de l’allié du Conseil militaire de transition qui est le Mouvement patriotique du salut (Mps). « Ils multiplient le dilatoire, ouvrent plusieurs boîtes de Pandore en pensant noyer le poisson. Et maintenant, pour que le dialogue réussisse, il faut se départir de cette idée-là ! Il faut aborder le processus par la transparence, pour que le meilleur gagne au moment des élections. Malheureusement, dans leurs têtes, ils doivent garder le pouvoir pendant et après la transition », analyse-t-il.

Pour lui, plusieurs accords au temps du feu Idriss Déby Itno, n’ont pas abouti et ne sont pas respectés. Il pense donc que ce soit les politico-militaires, les alliés du Mps ou l’ancienne opposition sont aguerries aujourd’hui face à ces types de mascarades. « Il faut des garanties pour un dialogue réellement sincère et inclusif  pour le développement du pays. Mais si les gens veulent organiser une troisième édition du dialogue initié par Déby père, cela ne marchera jamais », déclare Salibou Garba.

Le porte-parole du Mouvement patriotique du salut (Mps), Jean-Bernard Padaré trouve en cette sortie une mauvaise foi. « Que les gens se taisent s’ils n’ont pas des arguments solides pour soutenir leurs thèses. D’ailleurs, tous les partis travaillent avec le Conseil militaire de transition car on dit que nous sommes en période de transition. Alors que le MPS arrête, lui, de travailler avec le CMT pour qu’il puisse garantir la sécurité et la paix ! Les gens qui se savent vaincus d’avance essaient de tenir ces genres d’arguments », rétorque Jean-Bernard Padaré.

Le report, selon lui, si c’est technique afin que ce dialogue national réussisse, son mouvement politique est partant. Et pour cela, il demande à certains chefs de partis politiques de se ressaisir car la surenchère ne paie pas. « Nous voulons la paix, le développement, discuter entre nous Tchadiens des problèmes qui nous opposent et nous retardent. Pour cela, si les politico-militaires et la partie gouvernementale arrivent à mettre les choses ensemble d’ici à quinze jours, le dialogue se passera comme il se le doit », fait comprendre le porte-parole du MPS.