INTERVIEW – La décision du gouvernement d’amnistier près de 300 politico-militaires pour leur participation au dialogue national n’est pas appréciée par quelques acteurs de la société. Selon le politologue Evariste Ngarlem Toldé, la justice doit passer avant l’amnistie.

Vu le projet du gouvernement relatif à l’amnistie, va-t-on vers l’acceptation des conditions des politico-militaires ?

L’amnistie est une condition parmi tant d’autres. Parmi les revendications, l’amnistie reste une première étape.  Il ne reste qu’à ce que les politico-militaires récupèrent leurs biens abandonnés à N’Djamena, la dissolution du Conseil national de transition (CNT), la révision de la charte et bien d’autres conditions. C’est une première étape pour décrisper la situation à mon avis.

Ce projet n’est-il pas une avancée vers l’inclusivité du dialogue ?  

L’amnistie ne concerne pas les politico-militaires, ça concerne même le gouvernement en place et même le régime. Est-ce que ce n’est pas une auto-amnistie ? Pour parler d’amnistie, il faut d’abord parler de la justice. En amnistiant à la va-vite ceux qui ont de crimes sur la main, cela veut dire qu’on est en train de mettre la justice au-devant du dialogue. Il faudrait que les gens se disent la vérité, qu’il y ait la justice et le pardon arrive après. Là, on est en train d’ériger l’impunité en règle. Les gens ont commis des crimes et ils exigent qu’on les amnistie et on le fait aussi (…) Il faut que la justice fasse son travail avant qu’on les amnistie. Maintenant il n’y aura plus la justice puisque l’amnistie vient enrayer tout un coup.

L’amnistie doit-elle venir avant ou après le dialogue ?

L’amnistie doit venir après le dialogue. Parce qu’on doit engager un processus comme les autres ont fait au Rwanda, en Afrique du Sud. Il faut qu’il y ait la vérité, la justice et la réconciliation. Que des enquêtes soient faites sur des prisonniers de guerre, de ce qu’ils ont commis, voire la mort du maréchal. Il faut qu’on sache comment il a été tué, comment il est mort. Il faut que les gens sachent cela. Et puis l’amnistie viendra après. Aujourd’hui, on met l’amnistie en avant cela veut dire que personne ne sera jugé. Ou tout le monde se sent coupable et on veut déjà l’amnistie pour reprendre le régime actuel. Pour moi, on doit d’abord aller au dialogue, que les gens  disent la vérité et ensuite que la justice fasse son travail et ce n’est qu’après qu’on pourra amnistier les uns et les autres.