La fuite des actes et documents administratifs est devenue une véritable plaie pour l’administration tchadienne. Surtout avec l’avènement des réseaux sociaux.

Lorsqu’il devait se rendre en France en mai dernier, Mahamat Zen Bada, ci-devant secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS), a reçu un ordre de mission signé du directeur de cabinet civil du président du Conseil militaire de transition. Quelques jours après qu’il s’est retrouvé de l’autre côté de la Méditerranée, son ordre de mission, un acte provenant du plus haut lieu de la République et censé rester secret pour ce qu’il porte une information nominative, s’est retrouvé sur les réseaux sociaux. Trois années plus tôt, c’est le casier judiciaire du même Mahamat Zen Bada, un document confidentiel et strictement personnel, qui s’est retrouvé dans la gadoue. Très récemment, ce sont des documents relatifs à un dossier de viol présumé d’une mineure, encore en instruction devant un juge, qui ont été divulgués. Avant cela, des actes en lien avec une autre affaire judiciaire impliquant des inspecteurs d’Etat, aussi en instruction, ont fait la pâture des utilisateurs des réseaux sociaux. Des cas comme ceux-là sont si légion qu’on pourrait en faire tout un livre. Sont-ils pour autant nouveaux ?

La fuite des actes et documents administratifs et judiciaires à caractère secret ou confidentiel, qu’il convient d’appeler l’une des plaies de l’administration tchadienne, n’est pas nouvelle. Elle s’est seulement empirée avec l’avènement des réseaux sociaux, qui facilitent leur circulation virtuelle entre les personnes. Depuis leurs bureaux ou salons, des responsables et agents administratifs, ayant en leur possession des documents ou actes dont ils savent peu ou prou la confidentialité et la sensibilité, les scannent ou filment, puis se permettent de les transmettre à des internautes, des activistes de préférence, dans le but de régler des comptes, dénigrer, trahir ou dénoncer. D’autres créent même de faux profils dans le but d’assouvir ce dessein délictueux. Alors, pourquoi des personnes censées se soumettre aux règles de l’administration les foulent-t-elles allégrement aux pieds ?

Parce qu’elles servent dans une administration hiérarchiquement faible et qui laisse violer ses règles. Aussi l’affinité et l’impunité font-ils qu’il est assez rare qu’une enquête administrative et ou judiciaire soit ouverte à la suite de la fuite d’un acte ou document administratif confidentiel afin d’en rechercher et punir le ou les auteurs. Plus déplorable est le cas de la fuite des actes judiciaires, ceux touchant des affaires en cours d’instruction, qui laisse même les autorités judiciaires impassibles malgré le fait qu’elle constitue une infraction prévue et punie par la loi.

Si la règle de la transparence administrative voudrait que les actes et documents relatifs à la gestion des affaires publiques soient accessibles aux usagers pour des raisons, il faut le rappeler, nobles, des restrictions absolues existent en ce qui concerne ceux qui ont un caractère secret ou confidentiel. Les divulguer peut porter préjudice à l’intérêt public et à la sécurité publique, à l’intégrité de l’Etat ou à l’intérêt [privé] des administrés. La qualification secrète ou confidentielle qui leur est conférée oblige ceux qui les détiennent à ne pas les divulguer sous peine de sanctions disciplinaires ou judiciaires. Au regard de l’ampleur que le mal prend, il est du devoir des autorités administratives et judiciaires de faire un rappel à l’ordre et de sévir contre les agents indélicats.