Lors de la conférence de presse organisée conjointement par les ministres de la Communication, de la Justice et celui de la Sécurité publique, le 4 novembre, il a été notamment question de l’ingérence de l’exécutif dans l’exécution des décisions de justice.

Sans filtre, Mahamat Ahmad Alhado, ministre de la Justice, a justifié ses ingérences dans certains dossiers traités par  les magistrats. « Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, la loi l’autorise dans le cadre du pouvoir, dans l’intérêt de la loi d’empêcher certaines décisions de justice qui porteraient préjudice à la communauté », dit-il à qui veut l’entendre.

Le ministre fait notamment allusion à l’affaire qui avait opposé l’ONG World Vision à un particulier. « Je ne peux pas accepter qu’on prenne de la caisse de World Vision plus d’un milliard de francs pour donner à un individu », s’agace-t-il, avant d’ajouter que les comptes de cette ONG aident presque de millions de Tchadiens dont les paysans essentiellement en matière scolaire et agricole.

« Et si c’était à refaire, je le referai et je le fais tout le temps », martèle le ministre. Malgré les injonctions du ministre, l’opérateur économique avait fini par remporter le procès, au bout d’une longue procédure définitivement tranchée par la Cour suprême. « Conscient du principe cardinal de séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, le président de la haute juridiction, à savoir la Cour suprême, a, à ce jour, 20 octobre 2021, déclaré irrecevable la requête de l’ONG World Vision », s’étaient réjouis les avocats de la partie civile, au lendemain de cette décision, dénonçant au passage une « immixtion flagrante » du ministre de la Justice, qui avait ordonné, selon eux, au procureur  général près la Cour d’appel de N’Djamena, « de tout mettre en œuvre pour suspendre l’exécution du jugement correctionnel répertoire n°160/2021 ».

Dans cette affaire de « faux contrats » dont s’est rendu coupable un ancien coordinateur national de l’ONG World Vision, Rimhoudal Dono, qui avait signé des documents au nom de ladite ONG, la justice avait retenu contre l’institution et son agent les infractions de «  faux et usage de faux et d’escroquerie ». Rimhoudal Dono et World Vision ont été condamnés, après plusieurs démarches judiciaires, à payer une amende ferme de 10 millions et à l’opérateur économique, la somme de 978.809.375 F CFA à titre principal et par provision, nonobstant toutes voies de recours et de 150.000.000 F CFA à titre de dommages-intérêts pour tous préjudices.

Alerte de l’Ordre des avocats

Quelques jours avant la décision de la Cour suprême, c’était l’Ordre des avocats tchadiens qui s’inquiétait des immixtions de l’exécutif dans les décisions de justice. « Lesquelles immixtions se manifestent par des instructions et correspondances tendant à bloquer les exécutions », s’est insurgé le bâtonnier Djerandi Laguerre Dionro. Il avait appelé au respect des règles et principes de droit qui gouverne la justice et que « l’intérêt général prime en tout ».