Le Tchad vient de se lancer officiellement dans la conquête du Secrétariat Général de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) qui est basée à Djeddah en Arabie Saoudite.

C’est pratiquement d’une manière timide que la diplomatie tchadienne a annoncé la candidature de l’Ambassadeur Hissein Brahim Taha, 69 ans le 1er novembre dernier, au poste de Secrétaire Général de l’OCI qui est occupé jusque-là par le Saoudien Youssef Bin Ahmed Al Othaimeen qui est arrivé en fin de mandat. Cette candidature sera soumise lors de la 47ème Session du Conseil des Ministres des Affaires Etrangères qui aura lieu du 27 au 28 novembre prochain à Niamey au Niger.

Cette timidité dans l’annonce cache très mal les ambitions réelles des diplomates tchadiens qui jouent leur va-tout dans cette bataille qu’ils veulent concluante. En portant leur choix sur Hissein Brahim Taha, les diplomates semblent opter pour un casting gagnant.

Enfant d’Abéché, ville la plus ouverte au monde arabo-islamique du Tchad, Hissein Brahim Taha a grandi dans un environnement fait d’apprentissage du coran dans la rigueur d’une tradition soudano-tchadienne dont l’ancrage islamique et traditionnel ne fait l’ombre d’aucun doute. Il est issu d’une famille dont le père est menuisier et formateur au Centre d’apprentissage aux métiers à l’école du Centre d’Abéché. Bien entendu, l’environnement du futur ambassadeur était entouré des érudits religieux de la communauté « Djalabba » mais aussi d’autres communautés locales ayant une réputation établie dans la capitale de la dynastie Abbasside.

C’est dans cet environnement marqué par l’arabe et l’islam que Hissein Brahim Taha embrasse très tôt l’école française qui lui permet, comme le dit si bien Amadou Hampâté Bâ « de découvrir d’autres horizons » que son hérédité et sa formation traditionnelle lui apportaient.

Une fois le baccalauréat en poche, en 1972, l’élève du Lycée Franco-Arabe d’Abéché, entre en faculté de Lettres de l’Université du Tchad. L’année d’après, à la suite de la visite du Roi Fayçal d’Arabie Saoudite, il bénéficie d’une bourse pour étudier dans ce pays qu’il rejoint durant une année. De retour en vacances au Tchad, il obtient dès 1974 une bourse française et s’envole vers la France où il intègre le prestigieux Institut National des Langues et Civilisations orientales (INALCO) de Paris. C’est dans cette école que Hissein Brahim Taha, entouré des futurs diplomates français qui seront déployés dans les pays arabes, parvint à bien cerner et raffermir les contours de sa double culture Arabo-occidentale. Cet abéchois, arabophone de naissance, formé à l’école française trouve dans ce nid où se côtoient tous les spécialistes du monde oriental et plus particulièrement du monde arabe un terreau fertile pour son épanouissement intellectuel. Il aura, entre autres comme condisciples l’actuel Ambassadeur de France en Algérie, François Gouyette.

A la fin de ses études, Hissein Brahim Taha regagne le Tchad et intègre le Ministère des Affaires Etrangères en qualité de Conseiller des Affaires Etrangères. Il devient Chef de Division Europe-Amérique à la Direction des Affaires Economiques Internationales. Arrive ainsi la guerre civile. Hissein Brahim Taha comme tous ses contemporains est obligé de choisir son camp. Fils d’une arabe nomade, Il se met tout naturellement du côté du Conseil Démocratique et Révolutionnaire d’Acyl Ahmat Akhbach qui est nommé Ministre des Affaires Etrangères dans le GUNT. Il devient son Directeur de Cabinet et surtout son principal encadreur dans ce monde qui est nouveau pour lui. Il retrouvera ce même poste cette fois-ci aux côtés d’Acheikh Ibni Oumar qui a remplacé Acyl Ahmat à la tête du CDR et qui venait de signer un accord de paix avec Hissein Habré.

Dès 1991, avec l’arrivée du Mouvement Patriotique du Salut, l’expert en civilisation islamique de la diplomatie tchadienne est envoyé à Riyad comme 1er Conseiller à l’Ambassade du Tchad en Arabie Saoudite. Il va garder ce poste durant 10 ans.

C’est au cours de cette longue carrière dans la capitale du Royaume des Gardiens des Saintes Mosquées de l’Islam que Hissein Brahim Taha fera la connaissance de l’intérieur de l’Organisation de la Conférence Islamique dont il s’occupe du dossier au sein de l’Ambassade Tchadienne. Il a participé à plusieurs activités de cette organisation qui regroupe 57 Etats et qui est créée le 25 septembre 1969 à Rabat au Maroc pour répondre d’une même voix à l’incendie criminelle de la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem sous occupation israélienne.

C’est donc à un homme rempli d’expérience du monde arabo-islamique que le Tchad a confié la lourde responsabilité de défendre ses couleurs dans cette compétition qui s’annonce rude avec la déclaration de la candidature Béninoise mais surtout du géant Nigeria.

En plus de cette expérience et de cette formation qui le prédestine à ce poste, HBT, fut dix ans durant Ambassadeur du Tchad à Paris et Doyen du Corps diplomatique africain dans ce pays où la diplomatie est Roi. De ce poste, il a su se tisser un carnet d’adresses solide qui lui sera certainement d’une grande utilité dans la mesure où pratiquement l’ensemble des 57 membres de l’OCI ont une représentation diplomatique en France et donc il connait particulièrement des hauts diplomates de ces pays qu’il peut mobiliser aisément.

De toute évidence, pour booster la candidature de l’ancien Ministre des Affaires Etrangères, le Tchad n’a pas lésiné sur les moyens. Avant de présenter la candidature de Hissein Brahim Taha aux Ministres des Affaires Etrangères de l’OCI, une forte délégation conduite par le Ministre des Affaires Etrangère et de l’Intégration Africaine, Amine Abba Siddick a décidé de prendre le taureau par les cornes.

Cette délégation qui comprend le Conseiller diplomatique du Président de la République, Acheikh Ibni Oumar, a entamé une tournée par le Nigeria et le Benin avant de rallier Niamey. Le choix de ces deux pays n’est pas fortuit. Il est question pour les diplomates Tchadiens d’obtenir le ralliement de ces deux Etats frères à la candidature hautement qualifiée du Tchad et de présenter donc ce diplomate chevronné à ces Chefs d’Etat pour qui il donnera sans doute le gage de travailler pour l’intérêt commun des Etats africains.

Abdel-Nasser Garboa

Correspondance particulière