Ancien membre du gouvernement sous l’ère Deby, Siddikh Abdelkrim Haggar a créé sa formation politique dénommée l’Union pour la refondation du Tchad (URT). Tchadinfos s’est entretenu avec lui sur la création de son parti, son projet de société.

Qui est Siddikh Abdelkerim Haggar ?


Je suis économiste, financier de formation. Professionnellement, je suis banquier central, puis banquier primaire. Et aussi un homme d’affaires. J’étais membre du gouvernement entre 2016 et 2019. D’abord au ministère de l’Eau et de l’Assainissement, ensuite au ministère de l’Environnement et de la Pêche. J’ai étudié à l’ISCAE du Maroc. Par la suite, j’ai fait le cycle supérieur dans le même Institut, puis j’ai fait un DEA (Diplôme d’étude approfondie), l’équivalent actuel du Master II, à l’université Pierre Mendes, à Grenoble en France . Je parle le français, l’anglais, un peu de l’arabe local. Je parle aussi l’espagnol, bien que je suis en train de perdre les vocabulaires parce que ça fait des années, je n’en fais plus usage.

Vous avez milité dans le MPS qui a dirigé le Tchad pendant 30 ans. Pourquoi aviez-vous décidé de rompre avec ce parti ?


J’ai déjà dit, je n’ai jamais milité dans le MPS. Vous m’avez vu certes au gouvernement, pendant trois ans, mais cela ne veut pas dire que je suis militant du MPS. Il y a eu beaucoup de supputations sur mon appartenance politique. Beaucoup de journalistes m’ont posé cette question. Personnellement je suis étonné, ce n’est pas parce qu’on appartient à un gouvernement ou on a appartenu à un gouvernement que forcément on appartient au parti au pouvoir. Je n’ai jamais été membre du bureau national politique du MPS, ni d’un bureau régional, ni d’un bureau départemental, ni d’un bureau politique … Je n’ai jamais participé à une réunion du MPS. Si vous voulez, allez fouiller.


En tant que sympathisant certes, quand les ressortissants du département se réunissent pour cotiser afin d’accueillir une délégation, je contribue. J’ai aussi voté le MPS, que ce soit aux élections législatives, présidentielles, cela je ne le cache pas.


Comment vous est venue l’idée de créer l’Union pour la Refondation du Tchad (URT) ?


La situation du Tchad nous interpelle. Vous êtes sans ignorer que le Tchad aujourd’hui est très pauvre. Nous sommes classés 187ème pays le plus pauvre au monde, juste avant le Soudan du Sud et la Somalie. Au quotidien, le Tchadien est en train de vivre une situation extrêmement difficile, tant sur le plan social, économique. Aujourd’hui, nous n’avons pas l’eau, l’électricité, les routes, les écoles, la santé … Malgré que le sous-sol du Tchad est riche : il y a du pétrole, l’or, l’eau… tout ce que vous voulez pour se développer. Malheureusement, les politiques qui ont été menées n’ont pas fait que le pays se développe. En tant que cadre et homme d’affaires de ce pays, qui voyage, qui échange, qui observe, avec d’autres compatriotes de la diaspora avec d’autres africains, nous sommes vraiment dans le désarroi de constater que le pays est dans le gouffre. Donc il faut changer. Il faut que quelqu’un se lève et dise non, il faut qu’on change. On ne peut plus applaudir des politiques qui ne mènent nulle part.


Votre parti se veut refondateur du Tchad. N’est-ce pas trop beau pour être vrai ?


Nous sommes déterminés à refonder le Tchad. Refonder veut dire qu’il faut reprendre à zéro tout ce qui est politique, économique, social, politique culturelle, sportive, énergétique… tout est à refaire. Personne ne peut nier aujourd’hui que toutes ces politiques qui ont été appliquées jusque-là n’ont pas produit des résultats. J’ai dit tout à l’heure, on est 187ème pays pauvre sur 189. Il y a donc nécessité de changer toutes ces politiques. Et nous croyons que cela est possible. Je ne sais pas pourquoi les gens trouvent ambitieux, mais en tout cas à l’URT, nous sommes déterminés à apporter un changement réel dans tous les secteurs. A commencer par les secteurs vitaux : notamment le secteur de l’eau, de l’assainissement, de l’énergie, la santé, l’éducation, la justice, les reformes administratives, pour mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Parce que quoi que vous concevez en matière de politique, si les hommes qui sont chargés de les appliquer ne sont pas compétents, on va arriver toujours aux mêmes résultats. Nous sommes en train de réunir les ressources nécessaires, la jeunesse tchadienne qui est outillée en terme de formation et d’idées. Nous sommes très nombreux, de jeunes cadres de vingt-deux provinces. Donc ce n’est pas un rêve, c’est possible.

Quel est votre projet de société ?


Notre projet de société est très clair : la refondation. La refondation ne se fait qu’à travers de nouvelles politiques que je viens de citer tout à l’heure. L’ensemble de ces politiques sont consignées dans un document qu’on a appelé projet de société de l’URT, disponible sur notre site. Dans ce document, vous allez retrouver tous les détails. Je ne connais pas un seul parti politique aujourd’hui qui affiche un projet de société aussi dense et détaillé disponible à la lecture de tout un chacun.


Au Tchad, on vote l’individu et davantage par régionalisme, clientélisme, etc. que le programme d’un parti. Ne craignez-vous pas de faire face aux géants de la scène politique tchadienne qui sont sur le terrain de la politique depuis fort longtemps ?

D’ailleurs les géants de la scène politique tchadienne dont vous parlez je n’en vois pas. A part le Maréchal, paix à son âme, qui vient de partir, je ne vois pas un seul qui a une dimension nationale. Il suffit que je cite un seul parti, vous saurez ne citer directement le département, dont il rafle le vote. Pratiquement, les 200 partis, ce sont les départements. Ce n’est même pas régional. Il y a certains qui dépendent de Léré, de Pala, de Moundou, d’Abéché, de Mao… sans citer leurs noms. Vous savez, ce sont des partis parcellaires. Nous n’avons peur de personne. Aujourd’hui, le peuple tchadien n’est pas dupe. Il a tellement souffert. Il sait faire la différence entre le bon et le mauvais. Il faut noter que la population est à majorité illettrée, mais au moins, ils ont vécu. 30 ans, 40 ans, aujourd’hui ils sont dans la misère totale. Vous pensez qu’ils vont voter pour des partis politiques qui ne peuvent rien apporter sauf la misère ? Non ! Nous sommes très confiant. Indépendamment du projet de société, on sait que cette population a tellement souffert elle peut faire la part de chose aujourd’hui.


Quel message ou quelle philosophie, voulez-vous envoyer à travers le logo de votre parti. On aperçoit la couleur verte, une balance soutenue par les deux mains, la carte du Tchad ? Et pourquoi avez-vous choisi ces identités graphiques ?


D’abord, il faut se référer au nom du parti, l’Union pour la Refondation du Tchad. L’Union, nous l’avons symbolisée par la carte du Tchad qui est intégrale. Ce n’est ni le Nord, ni le Sud, ni l’Est ni l’Ouest. Cela veut dire englober tous les Tchadiens sans exception.
La balance qui est au milieu de la carte soutenue par les deux mains symbolise la Justice que nous voulons instaurer. Car elle est la clé du succès.
La couleur verte symbolise le développement. Le développement est symbolisé par l’agriculture et l’agriculture c’est la couleur verte. L’URT, qui a pour devise : l’unité-justice -développement, a opté pour ce symbole qui retrace un peu de manière graphique l’unité, la Justice et le développement.


Quel changement voulez-vous nous apporter après avoir participé à la gestion de ce pays ?


Nous voulons apporter un changement total. C’est carrément une refondation. Vous venez de me poser la question si ce n’est pas trop ambitieux. C’est ce changement ambitieux que nous voulons apporter pour ce pays. On va revoir de fond en comble toutes les politiques. Nous voulons restaurer l’unité du pays, la République, l’administration , la Justice, la paix et la solidarité entre les Tchadiens. Certes, j’ai participé à la gestion de ce pays, pendant trois ans. Mais aussi j’ai travaillé pour la nation. Mes résultats sont connus, j’ai toujours renvoyé les journalistes à mon discours de passation de service qui faisait le bilan de mes activités en tant que membre du gouvernement.