L’attelage exécutif de cette 2ème partie de transition, dirigé par Saleh Kebzabo, doit s’activer dans les meilleurs délais. Car, dans le laps de temps qui lui est accordé, il devra redorer l’image du Tchad, remettre en marche l’administration et assurer le retour du cycle constitutionnel.

Le nouveau gouvernement formé hier, vendredi 14 octobre 2022 est-il différent des autres ? Dans sa composition, oui. Mais la question vaut plutôt pour sa capacité d’action afin de remettre à flot le Tchad et pour appliquer la feuille de route issue du dialogue national inclusif afin de renouer avec un cycle constitutionnel.

Ce nouvel exécutif reflète ce pluralisme recherché dans une union nationale. On y retrouve de très vieux, de très jeunes, des politiciens professionnels, des personnalités issues du sérail et ceux que l’on pourrait désigner comme des techniciens. Dans la forme, on peut se réjouir de cette diversité. Mais sur la densité et la capacité de travail (et surtout de résultat), on est en droit de se poser quelques questions. Non, pas du scepticisme pur. Ne noircissons pas le tableau plus qu’il ne l’est déjà. Mais (malgré tout) une once de doute et beaucoup d’appréhensions habitent les Tchadiens, tant la classe politique déçoit depuis 3 décennies.

Plutôt que de se perdre en conjectures ad hominem, passons en revue les principaux défis que doit relever cet attelage éclectique. Que devra-t-il faire en 24 mois et sur quoi devons-nous (en citoyens avertis) le juger ?

Tout est priorité à l’heure actuelle. Partant de ce constat de détérioration générale, quelle doit être la stratégie du tandem Déby fils-Kebzabo ?

Il devra élaborer une feuille de route qui ira à l’essentiel et ne pas se perdre en verbiages et en opérations de communication exsangues de fond.

Au travail !

Bien avant la situation économique (qui influe sur tous les reste) et l’organisation du référendum et des élections (24 mois passent très vite et ne seront pas de trop), il y a l’image du Tchad qui est à redorer après cette année et demie d’atermoiements de toutes sortes. Ce ravalement est une condition sine qu’a non pour espérer enclencher les 2 priorités citées en infra. A ce titre, le choix de Mahamat-Saleh Anndadif aux commandes de la diplomatie tchadienne est très à propos. Il sera sans aucun doute l’homme lige de ce début de transition, de par l’importance de sa mission. De son travail de fond dépendra la manière dont sera considéré le Tchad sur la scène internationale et le retour de la confiance. Son entregent, sa connaissance des us diplomatiques et le fait qu’il a l’essentiel de sa carrière derrière seront les qualités sur lesquelles cet ingénieur en télécommunications se reposera. Ne nous trompons pas, il ne pourra pas éliminer ce halo de stéréotypes négatifs qui entoure le Tchad et encore moins garantir que la mauvaise gouvernance, les détournements de fonds et la corruption disparaîtront, mais il s’attellera à faire patienter (au moins le temps de cette 2ème transition) les plus farouches défenseurs de la CADEG (que notre pays viole) en attendant des jours meilleurs.

La soupape Annadif permettra donc à l’État de continuer à exister sur la scène internationale et de prétendre aux soutiens financiers dont il dépend en grande partie car à l’heure actuelle la balance entre les entrées budgétaires et les dépenses publiques s’annonce négative (recettes budgétées (donc en théorie) en 2022 : 1 359 milliards. Dépenses budgétées en 2022 : 1 203 milliards).

Relancer le service public

Parler de la situation économique seule serait éluder l’ensemble d’éléments à l’origine du mal vivre de la population tchadienne. Ce serait même une erreur de jugement tant les fondements d’un État digne de ce nom n’existent plus (sic). Aucune économie ne peut se développer sans services publics (réduits aujourd’hui à des castes privées privilégiant des intérêts particuliers au détriment de la notion d’efficacité au service de tous).

En l’état actuel des choses, aucune personne sensée ne demandera aux ministres actuels d’apporter des innovations, de réformer l’appareil ou encore de révolutionner quoi que ce soit. Il leur est juste demandé de remettre l’administration et les services publics qui en découlent (électricité, eau, contrôle des prix, police, etc.) en marche. Le niveau d’exigence n’est pas élevé… et rien que pour cette raison personne ne comprendrait que ce GUNT n’y arrive pas.

Renouer avec un cycle constitutionnel est le 2nd challenge du gouvernement de Saleh Kebzabo. Entre le scrutin référendaire pour le choix d’une nouvelle constitution (et par truchement une forme de l’Etat) et les premières échéances électorales (avec comme 1er enjeu de savoir si on organise la présidentielle avant les législatives ou une élection générale), 24 mois ne seront pas de trop. La CENI ayant été supprimée, la création d’un nouvel organe pour organiser et contrôler les élections viendra alourdir un calendrier déjà très chargé.

Mahamat Idriss Déby devra aussi descendre du piédestal quasi monarchique sur lequel le DNIS l’a placé en attendant 2024. Il faudra qu’il se mouille, qu’il aille au charbon, qu’il soit à la recherche de résultats tangibles… car le bilan de ce gouvernement (même d’union nationale) sera aussi le sien.  À lui par conséquent de jouer pleinement son rôle de Président de la République, celui qui incarne (dans les faits et non pas juste dans les symboles) le pouvoir en impulsant des politiques pragmatiques (par opposition à des discours électoralistes).

Ils sont 44 ! 45 avec le président de transition. Et si malgré ce nombre pléthorique, ils n’arrivent pas à accomplir l’essentiel décrit plus haut, ils auront failli à 100%.

Chérif Adoudou Artine