À peine instaurée, la IVe République cèdera bientôt la place à une Vème. Un second « forum national inclusif » est annoncé pour accoucher un texte pour remplacer la Constitution du 4 mai 2018. À la manette : un comité d’organisation créé le 23 septembre dernier par le Maréchal du Tchad. Il sera dirigé par Lucie Beassemda, fille de feu Béassemda Djébaré qui avait dirigé avec Kassiré le premier forum. La fille de l’ancien allié du président Déby sera épaulée par quelques caciques de la majorité présidentielle. À l’instar du premier, le second forum, annoncé pour se tenir du 29 octobre au 3 novembre, sera une nouvelle messe d’échange, d’empoignade et joute verbale. Si les sujets qui seront débattus n’ont pas encore été dévoilés officiellement, ce forum servira à réajuster les manquements et erreurs du précédent. Parmi les sujets qui pourront faire l’objet de cette nouvelle messe, nous misons sur trois principaux.

Premier sujet : le serment confessionnel. Cette trouvaille sortie d’un chapeau de prestidigitateur n’avait pas pu mettre un holà aux détournements des deniers publics. Il n’a que fait que violer le caractère laïc de la République et exacerber le fossé entre les Tchadiens. Malgré le serment, la prédation et la prévarication se sont aggravées au sein de l’administration publique. Il est donc temps de supprimer ce serment des gens qui croient duper Dieu. Seule une justice exemplaire peut châtier les voleurs de la République et en dissuader d’autres.

Deuxième sujet : l’âge requis pour être candidat à la présidentielle. Lors du forum de mars 2018, il a été débattu et fixé l’âge à 35 ans, c’est ce qui a même été inscrit noir sur blanc dans le rapport final du Haut comité chargé des reformes institutionnelles. Curieusement, dans le projet de nouvelle fondamentale adopté par les députés, cet âge a été relevé à 45 ans. Les pressions étrangères n’ont pas cessé depuis, et l’exécutif se voit visiblement contraint de sauter ce verrou. S’il est permis de nommer des ministres âgés de 29 ans, il est incompréhensible d’empêcher d’autres jaunes de briguer un mandat présidentiel. Ce n’est que justice à cette jeunesse que le président Déby lui-même appelle fréquemment à avoir de l’audace et à oser.

Troisième sujet : le rétablissement de la primature. Il est un secret de polichinelle que l’un des mobiles inavoués de la tenue du premier forum et de l’avènement de la IVe République, était de se débarrasser d’un Pahimi Padacké Albert, devenu encombrant à la tête du gouvernement. Le poste a été ainsi supprimé, le président s’est vu remettre l’intégralité du pouvoir exécutif. Le Maréchal est à la fois président de la République, chef de l’État, chef du gouvernement, ministre de la Défense… Mais avec le poids de la charge, le Président ne peut plus être seul sur tous les fronts. Dans la pratique, c’est un autre Payimi (Kalzeubé Deubet, lui aussi ancien premier ministre, lui aussi Moundang comme l’autre bien nommé) qui a été nommé Secrétaire général de la présidence et office de facto de chef du gouvernement. Avec la réintroduction probable du poste de « Premier ministre », les manœuvres ont débuté ; beaucoup ont recommencé à se voir dans le costume d’un chef de gouvernement en se rasant chaque matin.

Si le poste de Premier ministre n’est pas réinstauré, il est fort probable que le Maréchal Déby crée celui de vice-président. On lui a longtemps prêté cette intention ; elle pourra devenir réalité. Car théoriquement et selon la Constitution du 4 mai 2018, le président de la République est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Ayant remis les compteurs à zéro, le prochain mandat, s’il le remporte, sera son dernier. Soit, il modifie la Constitution pour sauter à nouveau le verrou des deux mandats, soit il décide de respecter cette loi fondamentale. Dans le premier cas, il pourra ainsi facilement créer un poste de vice-président pour placer son dauphin (qui pourra être un proche ou un fidèle parmi ses fidèles).

Ce révisionnisme à répétition, qui a débuté en 2005, crée une instabilité institutionnelle qui, à son tour, crée une instabilité économique, qui freine le développement du pays. Il est temps de songer à encrer des institutions fortes et pérennes.

La Rédaction.