En lisant cette chronique, vous avez certainement déjà vu cette vidéo où l’on voit des policiers tchadiens torturer des jeunes étudiants. Leur tort: avoir manifesté contre le port de casque à moto. Une vidéo qui a soulevé l’émoi. Les images qu’on y découvrent sont dégoutantes. Dégradantes. Ignobles. Inacceptables.

Que voit-on?

Vidéo ICI

Une dizaine de jeunes gens battus à coups de fouets. Torses nus. Roulant sur le sol. S’auto-aspergeant de sable sur la tête et le visage. Ils sont hébétés. Ne comprennent pas ce qui leur arrive. Ils sont alignés en ligne droite. Mis à genoux comme des sous-hommes. Humiliés. Tirant sur leurs propres deux oreilles, ils répétent, en arabe local tchadien, les injonctions de leurs bourreaux : » Mes oreilles qui n’écoutent pas….je ne manifesterai plus «

On entend les policiers donner, pelle mêle, des ordres aux étudiants.

– Yella. Allez. Lève-toi.
– Restez là-bas….roule, roule, roulez par terre
– Allez, allez..c’est bon!
-Dominique coordonne sinon ils vont les battre jusqu’à ce que le sang coule.
– Lavez vos visages et vos têtes avec du sable etc.

Mais la phrase qui me parait la plus troublante est celle-ci: « les saras (pour désigner les policiers originaires du sud du Tchad) sont impolis. Ils fouettent plus que la norme les étudiants musulmans ». Revoyez l’enregistrement. Peut-on franchement distinguer dans cette séance de torture le sudiste du nordiste?

Cette affirmation porte en elle même tous les maux de ce pays. Malgré l’ignominie de l’acte de torturer, on y trouve de quoi discriminer. De quoi rabaisser l’autre. Le ramener à ses origines. A son lieu de naissance. Et pourtant ces policiers sont entrain de commettre des crimes graves sur leurs compatriotes. Qu’ils soient sudistes ou nordistes. Musulmans ou chrétiens. Animistes ou athées. Ces actes de tortures semblent banales à celui qui a lâché cette phrase.

Tchadiens (mes)! Indignez-vous comme disait l’écrivain Stéphane Hessel. N’acceptez pas cela. Sous aucun prétexte.

Aux dernières nouvelles, les autorités tentent d’enterrer cette affaire par l’ouverture d’une enquête judiciaire. 24 ans après la chute d’une des dictatures la plus féroce d’Afrique, la torture est toujours présente dans ce pays. Elle a peut-être changé de nature mais elle est bien présente. Cette vidéo prouve qu’elle fait partie des moeurs du pouvoir actuel. Elle est là: banale. Elle est là comme une tare collective. Elle est là comme un réflexe naturel chez les représentants de l’Etat. Elle est là dans les esprits. Elle est là comme un fantôme qui hante le Tchad. Il faudra s’en débarrasser au plus vite. Plus jamais un tchadien n’a le droit de torturer un autre. Plus jamais cela.

Tchadiens (nes)! Indignez-vous pour ne plus voir une ignominie pareille.

Bello Bakary

Le Miroir