POLITIQUE – Ce 19 janvier 2020 la conférence de Berlin sur la Libye a réuni des dirigeants venues de la France, de l’Allemagne, des États-Unis, de la Russie, de la Turquie, et des représentants de l’UE, des Nations-Unies et bien d’autres instances mondiales afin de discuter de l’avenir de la Libye et des solutions possibles au conflit actuel.

La participation des représentants de la Libye a été confirmée quelques jours avant l’événement, mais Fayez al-Sarraj (chef du gouvernement d’accord national reconnu par l’ONU) et le chef militaire Khalifa Haftar n’ont pas été invités à participer aux discussions principales,  tous deux ont quitté la conférence avant son terme.

Le sort des manifestants

Alors que des discussions étaient en cours sur la manière d’arrêter la flambée politique sans fin en Libye, les manifestants se sont rassemblés devant le Reichstag, espérant que leurs voix seraient entendues par les politiciens de haut niveau. D’autres ont cependant dénoncé la présence du président turc Tayyip Recep Erdogan à la conférence de Berlin. Il convient de noter que la Turquie a décidé d’envoyer une assistance militaire à la Libye, une décision qui a été critiquée par les Libyens. S’exprimant avant le sommet, la directrice du Centre d’études géostratégiques de Belgrade, Dragana Trifkovich, a déclaré que les attentes étaient élevées quant au fait que la conférence de Berlin deviendrait un événement garantissant les progrès de la consolidation de la paix et de la réconciliation. Elle a précisé que ; « cette conférence est censée jeter la base d’un processus de paix plus long qui conduira finalement à la désescalade du conflit.»

Selon Madame Dragana, le règlement de la situation en Libye est crucial pour l’Europe, étant donné que l’escalade des conflits dans le pays d’Afrique du Nord a provoqué une crise migratoire. “Rappelez-vous, Kadhafi a averti que si la Libye était détruite, la Méditerranée deviendrait une mer de chaos”, réitère-t-elle. À cet égard, tant que la situation au Moyen-Orient ne sera pas stabilisée, l’Europe ne sera pas en mesure de résoudre la crise des migrants. Comme solution, Madame Dragana explique ; «qu’au lieu d’allouer des fonds à l’inclusion des migrants, les pays de l’UE devraient investir ces fonds pour stabiliser et reconstruire des pays tels que la Syrie et la Libye anéantis par un chaos apparemment sans fin, provoqué par les politiques irresponsables des puissances occidentales.

La question clé pour la Libye est avant tout une question de sécurité, Il y a un certain nombre d’organisations paramilitaires dans les déserts du pays,  de nombreux membres de l’Etat islamique qui ont été quitté la Syrie pour la Libye, et bon nombre d’autres formations terroristes y sont présentes. Donc le plus grand défi est de désarmer ces groupes terroristes et de reprendre le contrôle de la situation sécuritaire.

Solutions proposées

Après avoir analysé de manière critique l’évolution de la situation en Libye, Dragana Trifkovich propose que : L’armée et la police doivent être réintégrées et placées sous le contrôle des nouvelles autorités légalement élues une fois les conditions requises pour la tenue des élections dans ce pays.

Une grande majorité de la communauté internationale à saluer l’initiative de la Russie, qui a appelé les pays de la région à participer au processus de paix, car les problèmes de la Libye concernent certainement la région au sens large. Le peuple libyen n’est pas tenu de subir la terreur simplement parce que son pays est naturellement riche, mais  Ils doivent disposer des conditions d’une vie et d’un développement normaux, avec le droit d’utiliser leurs ressources naturelles par eux-mêmes. Les prétentions coloniales des pays occidentaux ont conduit à une exploitation impitoyable de l’Afrique qu’ils n’ont jamais voulu abandonner ».

Résolutions retenues

À l’issue de la conférence de Berlin, il a été décidé que le problème libyen devait être résolu en dehors de la Libye sur la base de trois thèmes clés:

  • Les réunions économiques en Tunisie qui se tiendront dans 3 à 5 semaines (pour documenter la réforme de la Banque centrale, la National Oil Corporation (NOC) et la Libyan Investment Authority (Fund))
  •  un conseil militaire de format «5×5» composé de représentants de Haftar et al-Sarraj, cinq de chacun, à Genève (ce format a été initialement proposé lors des réunions à Moscou le 13 janvier)
  • La poursuite du dialogue politique sur la scène mondiale : Cela implique que tous les problèmes sont résolus en dehors de la Libye et la principale préoccupation des acteurs mondiaux reste la situation humanitaire difficile dans le pays, et comment la manne pétrolière du pays sera gérer.

Les limites de la conférence

Malheureusement on peut déplorer le fait que, le format de la conférence de Berlin a été conçu de manière à ce que les délégués libyens soient assez ignorés plutôt que d’être acceptés comme partenaires égaux, ni Haftar ni al-Sarraj n’ont eu la possibilité de partager leurs opinions lors de la conférence de presse finale.

Le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov, a souligné que les négociateurs avaient rejeté la proposition de la Russie d’inclure Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar dans la liste principale des participants. Lavrov a également ajouté que les représentants des pays voisins avaient été inclus dans cette même liste selon l’initiative de la Russie. En outre, il a déclaré que, malgré certaines violations observées, le cessez-le-feu en Libye suggéré le 8 janvier 2020 était généralement respecté.

Dans l’ensemble, les propositions publiées à l’issue de la conférence de Berlin sont très similaires aux accords de Skhirat de 2015, ce qui signifie que peu de progrès ont été réalisés au cours de ces cinq dernières années.

Il convient de rappeler,  selon Dragana Trifkovich que “L’autorité politique la plus forte en Libye est maintenant entre les mains du général Haftar, qui contrôle la partie orientale de la Libye. Il pourrait jouer un rôle majeur dans le pays en ce qui concerne les réformes de la sécurité dans le cadre du plan de paix’’.

En ce qui concerne le mandat politique d’organisation des élections, la spécialiste pense que les participants au processus de paix doivent parvenir à un consensus. La meilleure solution serait de créer une commission internationale pour organiser des élections en Libye dans le cadre du processus de paix, surmontant ainsi le problème de l’illégitimité du gouvernement d’accord national.

Cette commission internationale devrait fournir des conditions normales pour la tenue d’élections libres dans lesquelles tous les facteurs politiques bénéficieraient de conditions égales. Donner un mandat au gouvernement d’accord national pour organiser unilatéralement des élections ne pouvait qu’aggraver les tensions dans le pays.

La meilleure solution serait de créer une commission internationale pour organiser des élections en Libye dans le cadre du processus de paix, surmontant ainsi le problème de l’illégitimité du gouvernement d’accord national. Cette commission internationale devrait fournir des conditions normales pour la tenue d’élections libres dans lesquelles tous les facteurs politiques bénéficieraient de conditions égales. Donner un mandat au gouvernement d’accord national pour organiser des élections ne pouvait qu’aggraver les tensions dans le pays, car selon les accords de Skhirat, cela aurait dû  se produire en 2017, date d’expiration de son mandat ».