Aujourd’hui, 1er décembre 2020, le Tchad commémore ses trente ans de démocratie. Trois décennies se sont écoulées depuis que le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) chassa le président Hissein Habré du pouvoir après une rébellion de quelques mois. De l’indépendance aux différents régimes, chacun a vécu son époque, sa génération.

Abdelkadre, la trentaine révolue, ne se souvient pas de grand-chose du régime Habré même s’il a commencé l’école primaire alors que ce dernier était encore au pouvoir. « Lorsque le président Habré a été chassé du pouvoir, j’avais autour de dix ans. J’étais encore à l’école primaire. Je sais que le 1er décembre, la capitale N’Djamena était dans un grand désordre avec des pillages et autres, mais je ne peux pas dire avec exactitude, ce que le régime Habré faisait », avoue Abdelkadre. Comme lui, beaucoup de jeunes de la génération 1980 et celle d’à partir de 1990, n’ont véritablement connu que le régime Mps.

Tous mes diplômes, je les ai obtenus sous le régime Mps, ainsi que mon premier emploi, confie Abdelkadre qui indique avoir « grandi sous les trente ans de démocratie ». Au delà du fait que beaucoup de jeunes tchadiens nés ces trois-quatre dernières décennies, n’ont connu, véritablement de régime politique que celui du Mps, les années de démocratie, portent leurs succès et échecs.

Les enfants, tellement qu’ils n’ont pas de niveau scolaire, tout le monde se demande, si c’est l’école tchadienne qui est en déchéance, ou c’est un phénomène qui frappe le monde entier. Cela fait plusieurs années que les résultats au baccalauréat n’ont jamais atteint les 50% de réussite. Même si beaucoup d’investissements ont été faits dans les infrastructures scolaires, une rigueur dans la gestion du système administratif est vivement souhaitée. Que tous les acteurs, parents, élèves, enseignants et pouvoirs publics, s’y mettent pour relever le défi de l’éducation pour tous et surtout relever aussi le niveau des élèves.

Avec la démocratie, il y a eu le multipartisme, la création des syndicats, des organisations de la société civile. La parole s’est libérée avec la naissance de plusieurs radios, télévisions et journaux privés. Plusieurs institutions sont mises en place. Le Tchad est entré dans le cercle restreint des pays producteurs du pétrole. Ce qui lui a permis d’avoir un budget conséquent pour financer plusieurs projets et construire des infrastructures sanitaires et éducatives. L’argent qui entre à flot dans les caisses de l’Etat est marqué aussi par le phénomène de détournement, de la corruption et de la mauvaise gestion. La création d’un ministère de contrôle d’Etat et de la moralisation, devenu de l’assainissement et de la bonne gouvernance, puis l’Inspection générale d’Etat (Ige), s’inscrit dans le cadre de la lutte contre ces maux.

Les Tchadiens se sont rendus aussi plusieurs fois aux urnes pour élire leur président de la République, les députés et les conseillers municipaux. Mais, le manque d’alternance depuis trente ans, n’est pas bien appréciée par certains acteurs politiques et d’autres qui espéraient voir un changement à la tête du pays par la voie des urnes. Une situation qui perdure, pour d’aucuns. Ceux qui estiment prendre le pouvoir par d’autres voies, ont opté pour les armes. Ils ont à deux reprises fait vaciller l’homme fort de N’Djaména sans pour autant le chasser. Il tient bon dans le palais de Djambal Ngato.

Le mérite de la démocratie tchadienne, même s’il n’y a pas encore eu alternance à la tête du pays, le pays n’est plus celui appelé « Etat néant » dans les années 1970. Ses fils occupent de hautes fonctions dans des institutions africaines et internationales. La diplomatie tchadienne se fait entendre de plus en plus. Trente ans, certes, c’est la vie d’une génération, mais, l’espoir est permis. Les filles et fils du Tchad, donneront un jour, de leçon de démocratie aux autres.

Le régime Mps est passé, depuis son avènement, par plusieurs étapes. Transition, premières élections, présidentielle et législatives, trois législatures, des conseils municipaux, plusieurs gouvernements dirigés par 15 premiers ministres, deux constitutions. Des mouvements armés ont failli le renverser à deux reprises, avril 2006 et février 2008. Trente ans de gouvernance, le Mps n’est-il pas le mieux indiqué pour asseoir, solidement la démocratie, en organisant une alternance mettant un terme aux aspirations de ceux qui entendent toujours utiliser les armes pour parvenir à leurs fins ?