Vieille de plus de 5 siècles, la royauté moundang est au tournant de l’histoire : comment s’ouvrir au modernisme tout en gardant son originalité.

Léré tire son origine du mot”Leuhré”en moundang qui veut dire la terre au bord des lacs au goût du natron. Cette terre attire les boeufs qui la lèchent. Damba fut le premier roi, c’est à dire le”Gong” Moundang. Selon le doyen des notables dans la cour du Gong de Léré, Alhadji Bovourné Manaï, âgé de 92 ans, Damba est un chasseur venu du Yémen, un Etat arabe d’Asie. Il s’est installé dans le village Zalbi. Damba distribuait de la viande et de la boisson du mil appelé”Bili-bili”dont lui seul détenait le secret. C’est cette générosité qui lui a valu d’être déclaré le premier Gong Moundang.

Gong vient du “Gong-né” qui veut dire la viande. Dorénavant, dans la tradition moundang, le chef suprême est appelé Gong. C’est-à-dire celui qui donne de la viande aux gens. Le village de Damba s’aggrandit ; les Moundang qui ont entendu parler de la gentillesse et de la largesse du nouveau chef étaient venus de toute part pour être ses sujets. Après sa mort, ses successeurs ne se font plus appeler”Damba” mais plutôt “Daba” , estimant que ce nom les rattache trop à leur origine étrangère, donc yémenite.

Ainsi, le royaume Moundang est apparu au milieu du 15ème siècle et couvre un territoire d’environ 5000 km2(kilometres carrés). Il compte 14 cantons dont 4 au Caméroun.Depuis toujours, le pouvoir se transmet de père en fils. Le Gong est entouré par des hommes et femmes, notables à travers differents sevices qui l’aident dans la gestion du royaume.

Les Fêtes rituelles moundang

La monarchie moundang de Léré est un pouvoir politique qui garantit l’ordre social, cosmique et symbolique à travers des rituels fondés sur le calendrier agricole suivant le cycle lunaire. Exemple la “fête de lune de pintade” ou “Fing-loo” , qui correspond à la période des semis(mars-avri’). A cela, il faut ajouter les funérailles et retraits de deuils, la pêche, la chasse, les danses, l’art culinaire, le tissage, sans oublier l’architecture type des Moundang. Les justifications de ces rituels trouvent leurs racines dans les mythes, les faits et les gestes de Daba, le premier Gong de Léré. Le Deri ou la cérémonie d’intronisation des princesses royales ; Le Deri est un rituel organisé pour honorer les filles du Gong, en les élevant au rang des dignitaires, notables. C’est ainsi que le 6 février dernier, quatre (4) princesses( Gongli), filles du Gong Amadou Payanfou “Gongtchomé trois(3)” ont été intronisées. Elles ont désormais le rang du chef de village. Elles ont leur mot à dire en cas d’un problème qui concerne la communauté Moundang. Le Deri est un rituel exceptionnel en pays Moundang et n’a lieu qu’une fois par règne d’un Gong. L’avant celui-ci a été organisé en 1983, pendant le règne de Gong Daba 3. En effet, le “Deri”est un mariage extraordinaire des quatre(4) filles du Gong. Ces filles peuvent être réellement mariées à des hommes, mais dans la tradition moundang, quand elles ne sont intronisées, on ne considère pas leur mariage. Il faut un mariage rituel qui n’est pas un mariage entre l’homme et la femme; mais un mariage entre une fille du roi et un village. Les villages avec lesquels ces filles vont se marier sont situés aux quatre(4) coins cardinaux du territoire moundang de Léré. C’est un mariage symbolique lié à l’enracinement des relations existant entre le Gong et son peuple. C’est une manière de renouveler l’alliance avec l’étranger (le premier Gong de Léré Gong Daba au milieu du 15eme siècle) qui était accueilli par les clans de ces quatre villages.

Après la colonisation française, le royaume moundang de Léré n’existe plus aujourd’hui en tant qu’entité politique traditionnelle indépendante, mais seulement comme une chefferie traditionnelle en relation avec l’administration tchadienne moderne. De l’avis de certains notables dans la cour du Gong, la tradition moundang qui, depuis la nuit des temps, reste un ciment de l’unité et de la fraternité, prend, ces derniers temps, un sacré coup par l’orgueil et l’égoïsme des hommes politiques qui divisent les Moundang. Aussi, ajoutent-ils, les jeunes, non seulement, ne viennent vers les sages pour bénéficier de conseils, mais aussi, ils s’adonnent exagérément à l’alcool. Ils n’ont pas perdu de vue l’enracinement des religions surtout le christianisme qui ne permet pas la pérennisation de la tradition moundang.