Le 20 avril 2021, 15 généraux de l’armée tchadienne ont pris le pouvoir, dissolvant les institutions de la République et instaurant un Conseil militaire de transition (CMT). Ce mercredi 28 juillet marque leurs 100 jours à la tête du Tchad.  Le ministre de la Communication, Abderaman Koulamallah en dresse le bilan dans cette interview.

  • Monsieur le ministre, quel est bilan du Conseil militaire de transition après 100 jours au pouvoir ?

Le premier bilan, c’est la stabilité et la continuité dans le travail. Une prise en charge très sereine de la transition avec un consensus général des acteurs politiques les plus représentatifs. Et une mise en place assez rapide des programmes du gouvernement et des structures qui doivent permettre à la transition de faire son petit bonhomme de chemin. Tout ce qu’on peut dire, c’est que le pays est serein, le pays est calme, le pays est bien gouverné et nous nous acheminons  vers le programme politique du Conseil militaire de transition qui veut faire une transition, la plus courte possible pour la mise en place des institutions démocratiques. Au milieu de cette phase, un dialogue national qui regroupe l’ensemble des acteurs politique, de la société civile, et les organisations socioprofessionnelles, les personnalités ressources pour qu’ensemble nous nous dirigeons vers un consensus général qui met en place ces institutions que notre peuple appelle de ses vœux; puis l’extension des libertés individuelles et collectives.  

  • Où en sommes-nous avec le processus du dialogue ?

Le processus est mis en place. Il y a un comité d’organisation. A l’intérieur, il y a un comité technique qui va préparer le forum. Le comité d’organisation est un organe représentatif, il regroupe les partis politiques, les associations de  la société civile, celles des socioprofessionnelles et l’ensemble des personnes ressources nécessaires à la mise en place de ce comité d’organisation. C’est un peu difficile,  parce que regrouper dans un comité toutes ces structures là,  demande beaucoup de dialogue. Le ministre d’État, chargé de la réconciliation nationale s’attèle à cela et multiplie  des rencontres. Et je suis sûr que c’est un homme qui a suffisamment d’expériences et suffisamment de talent pour essayer de fédérer toutes les énergies et arriver donc à mettre rapidement ce comité d’organisation qui sera, je crois, mis en place très rapidement.

  • Qu’est – ce que le CMT a apporté comme changement ?

La stabilité. vous savez, nous sortons d’une période mouvementée avec le décès subit du Maréchal du Tchad. L’attaque inadmissible des institutions de la République par des forces de groupes armés. Le CMT s’est attelé à stabiliser nos frontières, à faire une ouverture la plus large possible aux débats politiques, l’autorisation des marches pacifiques, la légalisation de tous les partis politiques en instance. Il y a beaucoup de signes positifs que le CMT a envoyés au peuple tchadien, aux intellectuels tchadiens, hommes politiques tchadiens, syndicats tchadiens. Les salaires sont payés régulièrement, le dernier salaire a été réglé largement avant la date où on règle les salaires. Tout ça, c’est pour vous dire qu’il y a une préoccupation totale du CMT et du gouvernement des conditions de vie des Tchadiens, de l’amélioration de vie des tchadiens et de perspectives démocratiques qui s’annoncent et qui seront mises en place. Parce que c’est un engagement des militaires et en général les militaires tiennent à leurs promesses.

  • Des organisations de la société civile et des partis politiques contestent le décret mettant en place le comité ad hoc de sélection des membres du Conseil national de transition. Qu’en dites-vous ?

Nous avons dissout les institutions de la République. L’Assemblée nationale n’existe pas, il y a un exécutif qui travaille, il faut qu’il y ait un organe législatif pour permettre un équilibre de pouvoir.  Si les gens ne savent pas gérer un État, qu’ils se renseignent avant de dire n’importe quoi. Le Conseil national de transition n’est qu’un organe législatif, ce n’est pas un organe exécutif. Ne pas mettre en place le Conseil national de transition est une absurdité. Qu’est-ce que ça change de le mettre avant ou après ?  En quoi cela est un obstacle au processus que nous suivons ?  Si les gens ne comprennent rien,  ce n’est pas de ma faute, c’est de leur faute. Les États modernes existent avec des contre-pouvoirs. Le Conseil national de transition est un contre-pouvoir au pouvoir exécutif. Il faut qu’il soit bien mis en place. On ne va pas continuer avec une Assemblée nationale qui est dissoute. Il faut bien mettre une alternative, les institutions de la République que je sache ont été dissoutes avec la prise de pouvoir du CMT.

  • Le budget pour le dialogue national estimé à 90 milliards, sur un budget total de plus de 4 000 milliards pour la période de transition, n’est-il pas colossal comme des Tchadiens le pensent ?

[RIRE] – Si les gens ont décidé de ces budgets, c’est parce qu’ ils savent pertinemment les dépenses afférentes. Est-ce qu’ils ont un jour géré je ne sais pas une boutique de quartier ? Comment ils peuvent dire que c’est colossal ? Sur quoi ils se basent pour dire que c’est colossal ? Le dialogue c’est pas le jour où on fait le dialogue. Le dialogue, c’est tous les processus avant où il faut mettre en place un comité d’organisation qui doit avoir un budget, le forum doit avoir un budget, le pré-forum doit avoir un budget pour mettre en place les textes. Tous ces aspects ont été étudiés en conseil des ministres, en conseil de cabinet et c’est sur cela qu’on s’est basé pour faire ce budget. Alors s’il est colossal, bien l’État fera des économies après.  

  • Le CMT est indexé de faire des nominations sur des bases ethniques, claniques… Qu’en pensez-vous ?

Quand on nomme les gens des autres régions personne ne fait attention, mais quand on nomme les gens qui sont proches du pouvoir ça attire le monde. C’est une histoire qui date depuis le temps de Tombalbaye. Ce n’est pas nouveau au Tchad, parce que nous avons cette vision ethnique de la société. Nous, on est Tchadien, qu’il soit Zaghawa, Gorane, Sara, Ngambaye, Bilala ou Baguirmien, nous sommes avant tout des Tchadiens. Est-ce que ces gens sont compétents oui ou non ? S’ils ne sont pas compétents, on dénonce leurs incompétences. S’ils sont compétents on ne cherche pas leur ethnie. Nous sommes en 2021 donc dépassons l’histoire des ethnies et des régions.

  • Qu’en est-il de la situation des rebelles capturés ?

vous savez, les Fake news existent sur les réseaux sociaux, sur Internet.  La Commission nationale des droits de l’homme a fait sortir un rapport édifiant pour dire que, tout ce qu’on dit,  les organisations des droits de l’homme qui sont en fait les organisations plus proches d’une opposition radicale ne jouent pas leur rôle d’organisation des droits de l’homme. Parce que quand on ment, le mensonge a des limites. Il n’y a pas des prisonniers exécutés. Il y a des gens qui sont morts dans des combats et il ne faut pas les transformer en exécution. Quand on vient attaquer un État, des institutions et que les gens meurent sur le terrain, il ne faut pas qu’on vienne se lamenter en disant qu’on a tué des gens. Tous les prisonniers qui ont été pris, arrêtés, il y a des enquêtes qui ont été faites par des organisations internationales et nationales de façon indépendante qui ont conclu qu’aucun prisonnier n’a été extrait pour être tué. Quand aux militaires qui soi-disant ont exécuté des personnes sur le terrain, l’armée a fait un démenti catégorique et nous attendons encore des preuves. Il n’y a aucune preuve, on voit sur les réseaux sociaux quelques personnes fantaisistes qui essaient de faire passer des photos qui sont des photos d’où on ne sait elles viennent. Je crois que c’est un scandale de faire parler de ces genres de choses. Au contraire, les images que nous avons vues, notre armée était en train d’abreuver les prisonniers, en demandant qu’on les traite normalement. Ce sont des vidéos qui ont circulé. Pourquoi on ne voit pas ces vidéos de la position humaine et humanitaire de nos soldats plutôt que de chercher des histoires qui n’existent pas.