29 ans après la conférence nationale souveraine (CNS), les Tchadiens seront encore conviés en vue de discuter sur l’avenir de la nation. Les assises prévues au 20 août interviennent après le décès tragique de l’ex président Idriss Deby Itno en avril 2021 sur le champ de bataille. Si la CNS est jugée avoir été un succès, le doute plane sur les assises du DNI bien qu’elles ne soient pas encore ouvertes.

Sur initiative du Conseil militaire de transition dirigé par le Général Mahamat Idriss Deby, les forces vives de la nation tchadienne ainsi que les politico-militaires sont appelés à se réunir le 20 août 2022 pour une grand-messe. Ce grand rendez-vous se penchera sur des nouvelles bases en matière de réconciliation nationale et d’innovation politique afin d’instaurer la stabilité sociopolitique. Tous concourent pour le même but. Ces Tchadiens déjà réunis en 1993 autour la conférence nationale souveraine sous le règne de Deby père confient que la CNS était une réussite même si elle n’a pas été mieux préparée que le DNI en vue.  

Abdramane Djasnabaille, participant à la CNS de 1993,  ancien ministre en charge des droits de l’homme et président du comité technique du CODNI pour la cohésion sociale nous raconte son expérience vécue à la Conférence nationale souveraine tenue il y a 29 ans ici à N’Djamena. « La conférence de 1993 était une conférence qui a connu un succès même si par la suite ceux qui ont participé ont remis en cause certaines dispositions des textes de la constitution mais le débat a été ouvert. Les gens étaient venus de partout. Beaucoup de gens ne connaissaient même pas au départ. Mais on s’est retrouvé et on a compris qu’il y a un problème qu’il faut résoudre en 15 jours mais ça nous a pris trois mois.  Les débats ont été intenses mais c’était une véritable conférence nationale souveraine et les décisions qui étaient sorties devraient s’imposer. On a insisté par la suite sur la démocratie participative dont certains opposants étaient entrés dans le gouvernement. Et ils ont remis en cause beaucoup de dispositions ».

Comparaison entre la CNS et le DNI

En 1993, les différentes thématiques n’ont été décidées qu’en pleine conférence. Les participants s’étaient retrouvés dans la salle et c’était de là où le problème de la souveraineté a été posé pour dire que ce dialogue national inclusif est mieux préparé que la conférence nationale souveraine. Tous les sujets qui taraudent l’esprit des gens sont repris dans les différents rapports. “Dans les cinq thématiques, tous les problèmes du Tchad ont été ressortis et il appartient aux Tchadiens de sortir quelque chose donc c’est bien préparé à mon avis que la conférence de 1993”, confie Abdramane Djasnabaille.

Il faut qu’au dialogue les gens parlent des réalités et qu’ils disent qu’il n’y a pas des Tchadiens qui sont supérieurs aux autres. Pour vivre ensemble, il faut que les gens s’acceptent avec leurs différences, avec leurs religions, avec leurs origines. S’il y a des gens qui pensent qu’ils sont supérieurs aux autres il n’y a pas de vivre ensemble », clame Abdramane Djasnabaille

Il poursuit que « Les gens étaient libres. Il n’y a pas eu des gens qui sont venus par consensus,  les gens étaient libres. Il n’y a pas eu des gens qui se sont  concertés pour venir dire qu’on va avoir la majorité. C’était aussi un dialogue inclusif. Les gens étaient venus de l’extérieur. Ils ne connaissaient pas tout le monde. On était jeune mais aguerris. On a représenté la société civile d’où c’étaient des organisations estudiantines. Pour rappel, nous avons beaucoup travaillé pour faire partir Hissène Habré. C’étaient des gens patriotiques qui étaient venus avec l’idée de transformer le Tchad ».

Un doute plane sur le DNI

De peur que ce dialogue soit moins inclusif, sincère ou un monologue dont tout est ficelé d’avance, certains acteurs politiques et ceux de la société civile ont conditionné leur participation à ce dialogue. Le comité d’organisation du dialogue national n’a ni dévoilé son agenda ni les critères exhaustifs de désignation des participants, même à quelques jours de la date retenue. Alors que le Tchad est secoué par les terribles inondations depuis quelques semaines, certaines contrées du pays sont déjà inaccessibles. Les pourparlers avec les politico-militaires à Doha deviennent de plus en plus patibulaires.

L’on se demande toujours qui seront ces Tchadiens qui seront autorisés à prendre part aux différentes discussions ? Après plusieurs reports, le dialogue national aura-t-il vraiment lieu à la date prévue ? Sera-t-il effectivement inclusif comme annoncé ? Ces assises apporteront-elles les changements souhaités ? Autant de questions que l’on est en droit de se poser.