Le Tchad a inauguré le 14 août son consulat général à Dakhla, une ville située dans la partie du Sahara Occidental contrôlée par le Maroc. Comment comprendre ce choix qui pourrait mettre en mal les relations entre le Tchad et l’Algérie, soutien de longue date d’une indépendance du Sahara Occidental ? Eléments de réponse avec Dr Yamingué Betinbaye, analyste politique.
L’inauguration du consulat général du Tchad à Dakhla est «l’adhésion » du pays « à l’intégrité territoriale et à la souveraineté du Maroc y compris sur le Sahara Occidental », justifiait Abderaman Koulamallah, ministre tchadien des Affaires étrangères. Ce consulat a également une « vision économique », renchérissait le diplomate tchadien aux côtés de son homologue marocain, Nasser Bourita.
L’ouverture de ce consulat intervient un peu plus de deux semaines après le soutien apporté par la France au projet d’autonomie du Sahara Occidental proposé par le Maroc. L’hypothèse que cette décision soit influencée par l’ancienne puissance coloniale n’est pas à écarter, estime l’analyste politique. « Le Tchad avait déjà soutenu la République Sahraouie en 1980, avant de retirer son soutien en 2006. Si la diplomatie tchadienne restait cohérente, c’était à cette date que le pays allait matérialiser sa présence aux côtés du Maroc. Le Tchad le fait en 2024 à un moment où la France a récemment apporté son soutien au plan d’autonomie du Sahara Occidental proposé par le Maroc. Il est parié que soit le Tchad est influencé dans ce choix fait par la France, soit le Tchad fait les yeux doux à l’ancienne puissance coloniale. Dans un cas comme dans l’autre, c’est bien dommage ».
Selon Dr Yamingué Betinbaye, analyste politique, le Tchad ne devrait pas prendre aussi rapidement position. « Le Sahara Occidental est un territoire qui se positionne au centre de beaucoup d’intérêts. Le choix d’un pays comme le Tchad d’y ouvrir un consulat devrait être un choix de diplomatie avec beaucoup de recul. Le Tchad prend position derrière le Maroc et contre l’Algérie. Depuis 1982, l’Union africaine reconnait le Sahara Occidental comme un Etat. La position du Tchad aurait du être alignée sur celle de l’Union africaine », dit-il.
Si ce consulat travaillera également à nouer des contacts avec les acteurs économiques au niveau local et accompagner les opérateurs économiques tchadiens, le Tchad prend le risque de se mettre à dos l’Algerie qui a un « poids substantiel dans les instances de l’Union africaine et un acteur clé au Sahel », fait observer l’analyste politique.
De ce fait, le ”Tchad a plus à perdre qu’à gagner. Il n’a rien de particulier à gagner hors de ce qu’il gagnait déjà de ses relations diplomatiques actuelles avec le Maroc”, soutient-il.