Le volet sécuritaire

Dans l’imaginaire collectif, la feuille de route du G5 Sahel est uniquement sécuritaire. Le G5 Sahel se résume à Barkhane, une opération militaire menée au Sahel et au Sahara par l’Armée française appuyée par les armées de la Force conjointe du G5 Sahel et à la capacité des armées des 5 pays sahéliens, Burkina, Mali, Niger, Mauritanie et Tchad, à lutter contre la menace terroriste.

Le Tchad apparaît alors comme le pays dont l’engagement militaire est le plus solide. Tout le monde se souvient de l’envoi, en février 2021, de 1200 soldats tchadiens par le Maréchal Idriss Déby dans la zone dite des « 3 frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso pour lutter contre les djihadistes. Lors du Sommet des cinq pays du Sahel réunis, le lundi 15 février 2021, avec la France, à N’Djamena, le président tchadien, Idriss Déby, qui n’a jamais été un président de salon, annonce, dans la soirée, l’envoi de ce contingent de 1200 soldats qui s’est immédiatement rendu à Niamey, située pourtant à 1800 kms de N’Djamena, pour, ensuite, se déployer dans la zone des « 3 frontières ».

A cette époque, il existait des regains de tension au Tchad. Mais, le Tchad n’a jamais failli dans la lutte contre le terrorisme. Le déploiement de ce bataillon renforcé à 1200 hommes (les autres sont à 650 hommes) marquait l’engagement tchadien dans la lutte contre le terrorisme et la solidarité du Tchad à l’égard des pays frères, au moment où, le Tchad accédait à la Présidence du G5 Sahel. Porté au pouvoir le 21 avril 2021 dans des circonstances exceptionnelles, le Général Mahamat Idriss Déby a tenu à réaffirmer l’engagement des autorités de la Transition au Sahel. Ce que les gens ignorent, c’est que le volet sécuritaire se double d’un important volet consacré au développement.

La feuille de route du développement

Lorsqu‘il prend la relève du Maréchal Idriss Déby à la présidence du G5 Sahel, Mahamat Idriss Déby met immédiatement l’accent sur les questions du développement. Il est convaincu que la sécurité et le développement sont étroitement liés, car le retour de la paix dans la région est impossible sans un développement économique inclusif et une véritable amélioration des conditions de vie des populations. Ce volet de l’action du G5 Sahel reste méconnu. Le G5 Sahel est une organisation supranationale, mais les 5 pays qui la composent ont, chacun, leurs propres défis à relever et des priorités en lien avec les aspirations de leurs populations. La vision prospective qui est celle des autorités tchadiennes les conduit à vouloir respecter la souveraineté de chaque Etat et établir un lien entre le développement national et un développement global de la région fondé sur des projets communs. Dans le domaine de la diplomatie, chaque Etat conduit une activité diplomatique propre, mais les 5 pays doivent contribuer à la consolidation d’une diplomatie sahélienne. Dans le domaine économique, si chaque Etat saisit les opportunités que lui offrent les coopérations bilatérales et les bailleurs de fonds, tous doivent s’inscrire dans une dynamique régionale de développement, comme la création d’un chemin de fer transsaharien ou les grandes orientations des politiques de lutte contre le réchauffement climatique, sans oublier la nécessaire cohérence régionale du plan de lutte contre la Covid 19.

Dans le passé, le Tchad a joué un rôle essentiel, à travers l’IRED, dans la production de vaccins au service de l’élevage. Les vaccins de l’IRED répondaient à un besoin national, le Tchad étant un pays d’élevage, mais l’expertise scientifique du laboratoire tchadien lui a permis de rayonner à l’international. Aujourd’hui, ce sont encore aux mêmes pays africains à qui il est demandé de produire des vaccins anti-Covid-19. Une partie des ressources destinées à la production de ces vaccins pourrait être dirigée vers les pays du G5 Sahel. En dehors d’appuyer la résilience des populations sahéliennes à la Covid-19, la production de vaccins viendrait renforcer les capacités des pays du G5 Sahel dans la lutte contre les pandémies. L’indicateur de « consommation des ressources » en Afrique montre que les 5 Etats du Sahel, qui comptent parmi les pays les plus pauvres, ne bénéficient pas de toutes les ressources nécessaires à leur développement et au développement régional.

Pour ma part, je défends l’idée suivante : l’extension des partenariats avec d’autres pays dans le domaine de la sécurité est une nécessité, mais, il n’est pas souhaitable que l’enveloppe des ressources pour le développement de la région du Sahel soit ouverte à d’autres pays que ceux du G5. Des pays comme le Sénégal, le Ghana, le Nigéria, l’Afrique du Sud ou l’Egypte ont des atouts qui leur permettent de mobiliser des ressources du développement en leur faveur. Les pays du G5 Sahel, avec une situation sécuritaire qui se dégrade et des économies plus fragiles, ont besoin d’un appui fort et une aide au développement massive.

L’accélération du développement permet de lutter contre l’insécurité en luttant contre la pauvreté et la précarité

Le dispositif de la présidence tchadienne du G5 Sahel reprend  l’architecture qui existait sous les présidences précédentes : le pilotage par le ministère de l‘Economie, du Développement, de la Planification et de la Coopération internationale avec l’appui d’un Comité national de coordination des actions du G5 Sahel. Le ministre de l’Economie, Issa Doubragne et le Coordonnateur National Point Focal Pays du G5 Sahel, Hissein Abakar Mbodou, partagent une même conviction : le développement constitue l’une des clefs de la sécurisation de la région.

Il convient de définir, mettre en œuvre, suivre, évaluer et faire connaître les projets de développement, le point de départ des projets étant le terrain. La priorité politique qui est donnée au pilotage des processus de développement vise à consolider l’important travail des opérateurs économiques, comme l’AFD, la GIZ, ou celui des ONG présentes au Tchad. En instituant un pilotage technique et politique des groupes de travail interministériels sur les thématiques retenues, la présidence tchadienne du G5 Sahel souhaite accélérer la mise en œuvre de la feuille de route de la Coalition pour le Sahel. Cette feuille de route déclinée lors des « Engagements de N’Djamena », signés par les Chefs d’Etat du G5 Sahel et des Partenaires de la Coalition, constitue actuellement le plan de sortie de crise à moyen terme, un plan qui intègre étroitement le volet sécuritaire et celui du développement.

Christian GAMBOTTI, Agrégé de l’Université, Président du think tank Afrique & Partage-CEO du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain)Directeur des Collections L’Afrique en Marche, Planète francophone – Directeur de la rédaction du magazine Parlements & Pouvoirs Africains Directeur général de l’Université de l’Atlantique.