Être femme au Tchad, c’est naître avec un fardeau invisible mais omniprésent. C’est grandir dans un monde où l’injustice est une fatalité, où la précarité est la norme et où l’espoir se heurte aux murs d’une société qui refuse de voir.

Dans les familles, sur les bancs de l’école, sur les lieux de travail, dans la rue, la femme tchadienne subit un manque viscéral de respect. Son existence est souvent réduite à une bataille pour la survie, un combat quotidien pour arracher sa part de dignité.

Dès son plus jeune âge, la fille tchadienne est confrontée aux inégalités. Moins scolarisée que son frère, elle est souvent considérée comme une future épouse avant d’être une élève. Beaucoup sont retirées de l’école pour être mariées de force, sacrifiées sur l’autel de traditions oppressives.

Celles qui poursuivent leurs études doivent affronter les humiliations, le harcèlement et l’idée persistante que leur place est ailleurs.Devenue femme, elle se heurte à un monde du travail impitoyable. Les opportunités sont rares et souvent réservées aux hommes.

Derrière les slogans rassurants tels que « les candidatures féminines sont fortement encouragées », se cache une triste réalité : ces phrases ne sont bien souvent que des façades, sans réelle volonté d’intégrer équitablement les femmes dans le monde professionnel. Quand une femme postule, ses compétences sont reléguées au second plan derrière son genre. On lui demande si elle compte avoir des enfants, une question qui cache une discrimination insidieuse : les employeurs, redoutant les charges que peuvent engendrer ses congés de maternité, préfèrent ne pas lui donner sa chance. On la paie moins que ses collègues masculins, on lui refuse des promotions sous prétexte qu’elle ne serait pas assez « solide » pour diriger.

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Dans les lieux publics, le respect lui est souvent refusé : elle endure les regards condescendants, les insultes à peine voilées et parfois même les agressions.

Mais au-delà de cette réalité brutale, la femme tchadienne ne plie pas. Elle résiste, elle avance, elle lutte.Sous le soleil brûlant de N’Djaména, d’Abéché, de Sarh ou de Mongo, elles sont nombreuses à vendre du poisson, des légumes, des céréales, du manioc, à marcher des kilomètres pour quelques francs, juste pour nourrir leur famille. Leurs journées commencent avant l’aube et se terminent tard dans la nuit, dans l’indifférence générale. Elles bravent la fatigue, la chaleur et l’insécurité, refusant de céder à l’abandon.

D’autres s’imposent avec force dans des sphères longtemps interdites aux femmes. Elles dirigent des entreprises, créent des initiatives locales, se battent pour être respectées dans un environnement hostile. Elles prouvent, jour après jour, que la compétence n’a pas de genre, que le leadership féminin n’est pas une aberration mais une nécessité. Jour après jour, elle affronte la violence du quotidien avec une détermination inébranlable. Elle endure les privations, l’épuisement, le regard méprisant d’une société qui peine à reconnaître sa valeur.

Pourtant, elle persiste, car elle sait qu’abandonner signifierait céder à l’injustice. Elle se lève chaque matin avec l’énergie de celles qui n’ont pas d’autre choix que de se battre. Chaque jour, elle prouve que malgré les obstacles, elle est capable d’avancer, de construire, d’espérer.

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Et puis, il y a ces filles assises sur les bancs de l’école, des universités défiant les statistiques, nourrissant un rêve plus grand que les limites qu’on leur impose. Elles récitent leurs leçons avec la ferme conviction que leur avenir ne sera pas dicté par d’autres. Elles incarnent l’espoir d’un changement, la promesse d’un Tchad où être femme ne signifie plus être condamnée.

Dans la souffrance, l’espoir survit. Dans l’injustice, la résistance s’organise. Chaque femme qui refuse de plier, chaque fille qui s’accroche à son cahier, chaque mère qui se bat pour nourrir ses enfants est une preuve vivante que le combat n’est pas vain.

Guerrières au quotidien, elles portent à bout de bras des familles, des commerces, des projets. Elles refusent de se laisser définir par l’injustice et transforment les souffrances en force. Elles sont l’âme résiliente du Tchad, celles qui, malgré l’adversité, bâtissent un avenir plus juste.

La dignité des femmes tchadiennes ne se mendie pas : elle se prend, elle s’impose, elle se construit. En ce mois de la femme, il est crucial d’attirer l’attention sur nos conditions et d’exiger un changement réel. Il est temps que le Tchad reconnaisse aux femmes leurs luttes, respecte leurs sacrifices et ouvre enfin la voie à un avenir où être femme ne sera plus une condamnation, mais une force.

Car malgré tout, les femmes tchadiennes continueront de se battre, non pas pour survivre, mais pour vivre, dignement.

Fouyaba Pambiang Irène, Présidente de Women Success et militante pour les droits des femmes