Le ministre de l’Environnement vient de publier sur sa page Facebook (le réseau bleu est devenu le canal de communication le plus privilégié des membres du gouvernement au détriment des médias publics et privés de la place) avoir sillonné [inopinément], la nuit du 23 au 24 février, des localités environnantes de N’Djaména pour constater l’utilisation du charbon de bois par la population. « J’ai saisi, avec mon équipe, plusieurs sacs de charbon de bois dans le minibus, quelques motocyclistes transportant le charbon et le bois vert qui ont pris la direction de N’Djaména pour livrer aux vendeuses et autres. Certains, avec des situations très graves, sont arrêtés et seront mis à la disposition de la justice et d’autres, avec des cas moins graves, sont relâchés », a-t-il posté, photos à l’appui. Un jour avant, Mahamat Ahmat Lazina avait également posté avoir visité « quelques marchés de la capitale pour constater effectivement que la vente de charbon de bois, qui est interdite, prend une proportion inquiétante. Nous avons non seulement fait des saisies, mais aussi invité les vendeuses à arrêter avec cette pratique. Désormais, elles seront arrêtées. Elles doivent chercher à faire autre chose car pour un sac de charbon de bois, il faut détruire 15 arbres, ce qui n’est pas normal ». Sic. 

Sur le fond, il est tout à fait normal que le chef du département de l’Environnement veille à l’application stricte des mesures prises par le gouvernement pour protéger les espèces végétales et animales, dont dépend la survie humaine. Encore qu’au Tchad, l’avancée du désert et le réchauffement climatique sont des motifs qui doivent empêcher l’Etat de baisser la garde de la protection de son écosystème. 

LIRE AUSSI : La saisie de charbon de bois par le ministre de l’Environnement fait grand bruit sur les réseaux sociaux

Sauf que les sorties m’as-tu-vu du ministre de l’Environnement, qui s’adjuge les prérogatives des agents forestiers en procédant à des arrestations, ne sont rien d’autre qu’un cautère sur une jambe de bois. Au lieu de commencer à grimper l’arbre par le sommet, Mahamat Ahmat Lazina devrait chercher à savoir ce qui les y pousse ; ou se demander : le font-ils par nécessité ou pour le lucre ? La réponse à cette question est univoque : face à la rareté et à la cherté combinées du gaz domestique, le bois et son charbon restent la seule source d’énergie accessible à une population qui vit dans l’extrême pauvreté.

LIRE AUSSI : Un conseiller national qualifie le ministère de l’Environnement de département « voyou »

Si déjà dans les villes, les ménages ayant des revenus moyens éprouvent des difficultés à l’acquérir et à la recharger, la bonbonne de gaz n’existe tout simplement pas dans les localités reculées. Sinon il faut aller dans les chefs-lieux de province et autres grandes agglomérations pour espérer l’acheter et la recharger à des prix deux fois plus chers que dans la capitale.

LIRE AUSSI : Podcast : la réponse de Mahamat Lazina au conseiller national qui a traité son ministère de “voyou”

Ce qu’il y a donc lieu de faire, ce n’est même pas de sensibiliser la population à ne pas couper les arbres pour produire le charbon et le vendre. Car tant qu’elle aura faim sans avoir le choix, elle n’écoutera rien et ne préférera surtout pas mourir de faim à côté d’un arbre. Ce qu’il faut faire et maintenant, c’est de subventionner à tirelarigot les bonbonnes de gaz et de réduire le coût de recharge et de transport pour qu’elles soient accessibles à tous et partout. Ce n’est ainsi que la population pourra abandonner d’elle-même le bois et son charbon. Sans cela, il va falloir construire de nouveaux et grands pénitenciers pour accueillir cette majorité de Tchadiens qui n’a que la biomasse traditionnelle pour allumer un feu pour se concocter un mets ou se réchauffer contre le froid de canard qui sévit cette année.