Interviewé par Tchadinfos, le maire de la ville de Gounou-Gaya, Démé Baïssema, explique dans quelles conditions travaille son équipe et les projets entrepris pour améliorer les conditions de vie des populations.

La commune de Gounou-Gaya est créée en 1997. Mais elle n’est opérationnelle qu’à partir de 1999. Elle se trouve au sud du Tchad, précisément dans le département de la Kabbia,  province du Mayo-Kebbi Est. C’est une commune peuplée d’environ 30 mille âmes composées majoritairement des Moussey. Il s’y trouve également quelques populations allogènes : les Peuls, Sara, Arabes, Kotoko, Kanembou, etc.  

Elle est majoritairement à vocation agricole, secondée par l’élevage. Elle est assise sur deux sols différents. La partie est est inondable, propice à la culture du riz ; l’ouest est exondé donc on y cultive le coton, le mil, le sésame, l’arachide, etc.

Gounou-Gaya est isolée dès le début de la saison des pluies (juin, juillet). Son enclavement est l’un des handicaps majeurs à son développement. Pas seulement.  

Quelles sont les activités que mène la commune de Gounou-Gaya ? Et dans quelles conditions ?

La responsabilité d’une commune c’est de faire en sorte que la population soit dans des meilleures conditions de vie. C’est de travailler pour son bien-être. On doit lui donner de l’eau propre, qu’elle vive dans un environnement assaini. On doit également faire en sorte que la ville soit structurée, urbanisée. De façon globale, voilà les grands axes d’actions pour un exécutif communal. C’est dans ces grands axes que nous travaillons.

Vous voyez, la ville n’est pas assainie. Et il y a un rapport entre les activités que nous menons et les ressources qui nous permettent de mener ces activités. L’autre problème, c’est surtout celui de l’éducation. Ces villes qui sont propres sont celles-là où les populations sont éduquées. Si la population n’est pas sensibilisée, éduquée, chaque fois que vous enlevez les ordures, il y en aura d’autres et n’importe où.

Il y a également un autre problème de taille qui est l’urbanisation de la ville. Elle n’est pas du tout urbanisée. Même si on a des possibilités pour donner de l’eau potable, pour électrifier la ville, il faut qu’il y ait des rues.   C’est un travail à faire en amont.

Et là, le ministère de l’Urbanisme est obligé de s’impliquer. Dans le cadre de la décentralisation, l’État a transféré une partie de ses compétences aux communes mais il faut qu’il transfère aussi les ressources. On n’a pas de ressources, de compétence nécessaire. Vous n’allez pas trouver un seul agent formé dans le domaine de l’urbanisme dans la ville. Si l’État ne s’investit pas, on ne s’en sortira pas.

Comment expliquer ces difficultés ?

Les taxes récoltées par la commune sont très insuffisantes parce qu’il n’y a pas d’opérateur économique. Il n’existe pas un seul commerçant qui paie même 50 mille francs à la commune dans l’année. Cela est un problème. L’autre problème, c’est les compétences pour faire les collectes. Vous savez que ce sont les cadres bien formés qui créent la richesse.

C’est pourquoi nous disons qu’il faut que l’État pousse la décentralisation à son terme. Le problème que je pose, c’est celui de beaucoup de communes. On les a créées mais il n’y a pas des gens formés qui puissent tenir les services techniques.

Les subventions de l’État ne sont pas très régulières. Et généralement, ce sont des subventions de fonctionnement. Jusqu’aujourd’hui, l’État n’a pas encore fait une subvention d’investissement.  

La ville est-elle électrifiée ?

La commune, à un certain moment, a été électrifiée mais finalement cela s’est arrêté. C’était en 2004, à l’arrivée du défunt président Deby, on avait installé une centrale avec un réseau qui ne couvrait pas entièrement la ville. C’était juste le grand axe et quelques rues. On avait mis en place un comité et la première année, la population a consommé l’électricité gratuitement. Dès que ce stock était terminé, il fallait que la population prenne elle-même le relais. Avec une population moins instruite, elle repart tout simplement dans ses habitudes en utilisant les petites lampes.  

On est allé de comité de gestion à un autre mais c’est toujours le même problème parce que la capacité du groupe dépasse celle des consommateurs. Donc, on dépense plus mais on reçoit moins. Il y a aussi un autre aspect qui est la maintenance. On n’ a pas prévu un maintenancier.   

C’était aussi le cas pour le château. En ce moment précis, chacun s’éclaire comme il le peut.

Au vu de ces difficultés, Gounou-Gaya avance ou recule ?

La raison d’être d’un être humain c’est de penser comment améliorer sa situation. Nous avions écrit des projets. En 2015 et 2017, nous avons géré un projet de l’Union européenne qui nous a permis de construire des latrines publiques, des bacs à ordures. Cela nous a permis de redémarrer la centrale pour redémarrer l’électricité, et également faire fonctionner le château d’eau sur deux ans.  Quand le projet a pris fin, on battait de l’aile et on est retombé dans la même situation.   

Nos partenaires nous ont aidé à mettre des pompes à motricité humaine. Il n’y a pas moins de 30 pompes à motricité humaine dans la ville. Ce qui fait qu’on est quand même en train d’avancer.

Aujourd’hui, nous pensons revoir la source d’énergie en solaire. Rajouter les pompes à motricité humaine. Acquérir une tractopelle pour l’assainissement de la ville.

On veut aussi structurer les quartiers. On a 21 quartiers. C’est beaucoup pour Gounou-Gaya. Il y a des quartiers sans territoire.  Aujourd’hui, c’est difficile de dire que ce quartier commence ici et s’arrête là.  C’est tout un travail à faire. Il faut impliquer la population dans la gestion de la commune.

On a transféré les compétences mais jusqu’aujourd’hui on n’a pas transféré les ressources. C’est un processus et on pense que ça viendra un jour. En attendant, on se débrouille. On ne voit pas l’impact des activités communales parce que les petites ressources sont dispersées sur plusieurs axes. Et les besoins sont prioritaires les uns que les autres.