Le mois de novembre est dédié au livre et à la lecture par le ministère de la culture. Sosthène Mbernodji, président de l’Association des écrivains et auteurs du Tchad (ASEAT) et fondateur-directeur du festival international ‘’Le souffle de l’harmattan’’, déplore la manière avec laquelle cette activité est organisée. Il propose des pistes de solutions pour améliorer ce rendez-vous culturel.

Que pensez-vous de l’organisation et la gestion du mois du livre et de la lecture ?

J’étais aux premières loges de cette manifestation culturelle initiée par Mahamat Saleh Haroun, alors ministre de la Culture en 2016. Six ans après, on constate que cette manifestation n’arrive pas à sortir des sentiers battus. On est en train de faire la même chose. On tourne en rond. Le fondateur a critiqué la manière avec laquelle on se prend pour organiser le mois du livre et de la lecture. Mais aussi le fait de cloisonner le prix: prix jeunesse, prix féminin, prix à la littérature arabophone. Ça ressemble à une sorte d’apartheid.

On constate qu’ils n’ont pas rectifié et ils ont cette année replaqué les mêmes choses. Si ce n’est qu’un ajout : prix à un éditeur. Je pense que la lecture doit être une cause nationale comme sous d’autres cieux. On ne doit pas simplement attendre le mois de novembre pour venir lire un bout de texte dans un lycée pour dire qu’on est en train de faire la promotion du livre et de la lecture. Non! La lecture doit être un acte intégré.

On doit donner le goût de la lecture, de la littérature aux apprenants, aux enfants. Et là, on aura construit une génération d’hommes et de femmes qui sera différente de celle qu’on a, qui a une sorte de repli identitaire, de mimétisme.

Cette activité est-elle ressentie en province ?

Oui, dans quelques provinces. Ça aussi c’est une autre difficulté dans la mesure où le mois du livre n’est pas fondamentalement national. Tout est concentré à N’Djamena en dehors de quelques villes où quelques activités au bout du doigt se comptent. Puisque c’est une activité organisée par le ministère et donc les pouvoirs publics, elle doit être nationale.

Les défis liés au livre, à la littérature, à la lecture restent entiers. Après six éditions, quel est l’impact ? Les organisateurs ont-ils pris la peine d’évaluer l’impact de cette activité ? C’est la grosse interrogation. On est arrivé à ouvrir des lycées dits littéraires.

Logiquement, dans un lycée littéraire, on doit non seulement faire des cours théoriques mais aussi organiser les masterclass, des activités extra-scolaires où on va faire venir des spécialistes en la matière pour donner le goût du livre et de la littérature aux enfants. On peut faire des ateliers d’écriture de nouvelles.

Normalement, un élève qui sort d’un lycée littéraire doit être capable d’écrire une petite nouvelle de 10, 20 pages, de pondre un roman ou d’être un correcteur de livres. Qu’est-ce qu’on est en train de former dans ces lycées? Ce sont des coquilles vides.

Êtes-vous impliqué dans le mois du livre?

On est disponible pour participer pleinement à ce genre d’activités mais on n’est pas associé comme tel. Si ce n’est que des petites réunions où on nous convie. Il faut redéfinir les choses.

Comment faire pour améliorer le mois du livre et de la lecture ?

Les défis sont immenses. Il faut davantage associer les acteurs du livre. Et faire en sorte que ce mois soit fondamentalement national. L’Etat a les moyens. On peut même le transformer en un Salon du livre .