En ce jour du 3 mai 2023, le monde célèbre le 30ème anniversaire de la journée mondiale de la liberté de presse. Au Tchad, cette célébration se fait dans un contexte de restriction des libertés et surtout de précarité pour les médias privés.
L’évolution de la presse au Tchad a été marquée par des hauts et des bas au fil des ans. Ce que reconnaît le président de la Haute autorités des médias et de l’audiovisuel, Abderamane Barka. Pour lui, il y a eu des moments de relative ouverture mais cependant, reconnaît-il, les médias surtout les médias privés, travaillent dans la précarité.
D’abord, après que le Tchad ait amorcé son processus démocratique, en décembre 1990, le paysage médiatique s’est considérablement élargi et les médias ont acquis une certaine indépendance faisant perdre à la presse du secteur public, le monopole de l’information avec la création des centaines de journaux, radios et télévisions privées. Faut rappeler ici, l’abolition en 2005 de la loi de 1999 sur la presse qui avait donné au pouvoir des pouvoirs considérables pour fermer des journaux, arrêter des journalistes et la levée des restrictions sur les radios communautaires en 2008, permettant à plus de voix de s’exprimer.
Malheureusement, l’on constate que ces moments de relative ouverture ont été de courte durée car le gouvernement a imposé de nouvelles restrictions sur les médias, y compris les restrictions à l’accès à l’information et des sanctions sévères pour des journalistes qui couvrent des sujets sensibles. Le Code de la presse adopté en 2010 met fin aux peines privatives de liberté pour les délits de presse. Cependant, la diffamation reste passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois mois. L’adoption en 2019 de la loi sur la cybercriminalité expose les journalistes exerçant en ligne à des arrestations et détentions arbitraires.
D’ailleurs, le contrôle des médias publics par le ministère de la Communication, et leurs responsables nommés par le gouvernement et le choix également de la majorité des responsables de l’organe de régulation des médias restent là comme une épine dans les chaussures de la liberté de presse dans le pays puisque leur ligne éditoriale leur est propre, et les enquêtes critiquant les caciques du régime et leur entourage ne sont pas tolérées.
La célébration de cette journée par les médias, surtout privés, se fait dans la précarité car non seulement l’impression des journaux est très coûteuse mais et surtout le marché publicitaire restreint. Et bien que l’État soit supposé verser une subvention annuelle à la presse, le fonds d’aide à la presse est suspendu depuis 2016 – exception faite à la veille de l’élection présidentielle d’avril 2021. Ce qui amène Moussaye Avenir de La Tchiré, directeur de publication du journal “Abba Garde” d’affirmer que ce 30ème anniversaire, la presse tchadienne la célèbre dans une “situation catastrophique”. “Les pouvoir publics parlent toujours de la liberté de la presse. Mais que vaut une liberté publique sans une indépendance économique ? Une presse véritablement libre n’est pas seulement celle qui s’exprime librement mais celle qui est capable de se prendre en charge, sans se compromettre, sans recourir à autre méthode de financement telles que les financements occultes. Les médias vivotent, fonctionnent avec les moyens de bord car aucun organe de presse privée au Tchad ne peut dire qu’elle a son indépendance économique et se prend véritablement en charge”, analyse avec pincement au cœur Moussaye Avenir de La Tchiré.