INTERVIEW – La troisième radio tchadienne et deuxième privée à voir le jour célèbre ce mercredi 5 août ses 20 ans de création. Média de référence dans la promotion des droits de l’homme, la FM Liberté compte à ce jour près 3 millions d’auditeurs.

Gilbert Maoundonodji était présent le 5 août 2000, lors du lancement officielle de la Radio Liberté. Il était déjà là quand la radio n’était qu’une idée et fut le premier Président du conseil d’administration de la radio. Aujourd’hui, Directeur général du Centre d’étude et de recherche sur la gouvernance des industries extractives et développement durables (CERGIED), il raconte les débuts de la radio dans un entretien accordé à Tchadinfos.

Qu’est-ce qui a motivé la création de la Liberté ?

À l’origine, il y avait deux organisations et deux personnes. C’étaient la ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) et l’Association pour la promotion des libertés fondamentales au Tchad (APLFT). J’étais le président de l’APLFT et Enoch Diondang, président de la LTDH. Chacun sans consultation rêvait d’une radio pour son organisation. La Ligue avait fait son projet de radio et l’APLFT avait aussi le sien. C’est lorsque l’APLFT commençait à chercher des financements pour réaliser ce projet que les partenaires ont suggéré qu’on s’associe pour fonder une radio. On a accepté l’idée puisque nous poursuivons les mêmes objectifs et nous voulons utiliser la radio pour les mêmes finalités. C’est ainsi que nous nous sommes concertés pour signer en août 1996 la déclaration conjointe acceptant de mettre les projets en commun. J’avais animé tout le processus de concertation avec les autres organisations et on s’est dit qu’il fallait élargir aux autres organisations de droit de l’Homme, aux syndicats et autres associations. Ils ont adhéré à l’idée de créer une radio pour les associations des droits de l’homme

Sur le plan technique, comment cela s’est passé ?

Nous avons mis pratiquement quatre ans pour lancer la radio. En 1997, nous avons élaboré les textes de base et tenu une assemblée générale pour adopter les textes fondateurs de la radio. C’est sur cette base que nous avons sollicité et obtenu du Haut conseil de la communication l’autorisation de fréquence. En avril 1999, nous avons fait les démarches pour obtenir des équipements de la part notre partenaire, l’Institut Panos Paris. Nous avons réceptionné les équipements et gardé jusqu’à ce qu’un technicien vienne installer la radio et nous avons commencé les premiers tests en juin 2000. Et le 5 août 2000, nous avons lancé les premières émissions. Ça n’a pas été facile, il fallait faire vivre cette radio associative. On n’avait même pas un groupe électrogène à l’époque. D’après des démarches personnelles, un commerçant de la place a accepté de nous donner un groupe électrogène qui allait être payé deux mois plus tard. C’est après cela que nous avons entrepris de chercher des financements pour le fonctionnement de la radio. Nous avons eu la chance de trouver un partenaire qui a financé un plan triennal élaboré pour la radio. Nous avons eu 98 millions de F CFA sur trois ans. Une somme qui a permis à la radio naissante de fonctionner normalement.

Quelle est la mission de la radio FM Liberté ?

Cette radio va être le porte-voix des organisations, mais être au service de la promotion des droits de l’homme, de l’éducation civique, de la vulgarisation des droits, de la protection des droits des citoyens, etc. C’était les objectifs de départ. La radio a commencé à avoir une grande audience et à influencer les citoyens dans les comportements et ça dérangeait les pouvoirs en place. La radio dénonçait les abus et tout ce qui n’allait pas. Alors elle était perçue comme une radio de l’opposition alors que ça n’a jamais été le cas. Parmi les principes, la radio est une radio plurielle, où le pluralisme des opinions qui prime. C’est une radio non-confessionnelle et qui est ouverte à tous les courants d’idées. Dans la plupart des cas, quand on invite les représentants du gouvernement ou du parti au pouvoir, ils ne viennent pas lors des débats. La radio est pluraliste et indépendante. 

Pourquoi avoir choisi ce nom et ce générique ?

Ce nom était une évidence. La liberté est au cœur de la vision de la radio. Liberté fondamentale, liberté d’expression, le nom est venu simplement. Le générique « Code pénal », c’est en cherchant lors de la période d’essai qu’on a trouvé. Tout ça en restant dans l’esprit des droits de l’homme

Qu’est-ce qui a marqué les débuts de la désormais radio aux 3 millions d’auditeurs ?

Lors des élections de 2001, le Haut conseil de la communication a dit que la radio Liberté ne devrait pas couvrir les élections parce que l’audience de cette radio devenait de plus en plus importante. Il ne voulait pas que la radio influence le processus électoral. Le HCC nous a convoqués pour cela. On a dit au Haut conseil que la radio Fm liberté est une radio pour la démocratie, pour promouvoir le respect des droits civiques, politiques et autres. Les élections sont une question de droit donc on ne peut pas ne pas couvrir ces élections. Ensuite, nous avons discuté en conseil d’administration, j’étais alors vice-président du conseil. J’ai fait une déclaration pour informer l’opinion nationale de la situation. Que le Haut conseil de la communication veut museler la radio, mais les citoyens sont invités à défendre leur radio. C’était un bras de fer, mais la radio a couvert les élections. Par la suite, le Haut conseil a profité d’une occasion pour fermer la radio pendant 180 jours. Il fallait faire du plaidoyer pour que la radio redémarre.

Les objectifs de la radio sont atteints à ces jours ?

La radio FM Liberté a joué un rôle fondamental et continue de jouer ce rôle fondamental dans l’évolution du contexte en terme de respect des droits de l’Homme, des libertés fondamentales. Les gens disent que le Tchad n’a pas changé, mais le Tchad a beaucoup changé en matière de respect des droits de l’Homme. Ce n’est plus la situation des années 90 jusqu’aux années 2000 où les violations étaient systématiques et massives. La radio ne couvre pas tout le territoire national, mais si quelqu’un est tapé au village par les forces de l’ordre, il appelle la radio et raconte son calvaire. Au Tchad, dénoncer une autorité n’est pas bien vue. Une autorité n’aimerait pas qu’à N’Djamena, on apprenne qu’elle commet des exactions dans sa localité. Cela a contribué à changer les mœurs, les pratiques et à améliorer la situation de droits de l’Homme aujourd’hui. FM liberté a rempli et continue à remplir sa mission par rapport à la vision de départ. Elle a contribué à faire du Tchad, un État où les droits de l’homme sont respectés et où il y a une culture de respect des droits des citoyens. Les acquis sont là et je crois que la radio va s’inscrire dans la durée