Un décret signé par le PCMT, le 15 mars 2022, et rendu public le 6 juillet 2022, crée un parc national au sein de la réserve de faune Binder-Léré, dénommé Parc national de Zah-Soo (PNZS). Selon ledit décret, le PNZS, qui couvre une superficie de 81 500 hectares, est destiné à propager, protéger et conserver les espèces animales et végétales sauvages, aménager leur habitat, protéger les sites, les paysages ou formations géologiques d’une valeur scientifique ou esthétique particulière dans l’intérêt et l’éducation du public. Il (le parc) couvre quatre cantons (Binder, Lagon, Léré et Gouin), situés dans les départements de Mayo-Binder, El-Ouaya, Lac Léré et Mayo-Dallah.

Ce qu’il faut retenir, le décret interdit formellement au sein du parc toute exploitation agricole, forestière ou minière, le pâturage, la pêche, la cueillette, le défrichement, la chasse, etc. Seule exception : la population riveraine pourra continuer « à exercer à l’intérieur du parc les droits d’usage concernant uniquement la pratique du rite traditionnel dans les Chutes Gauthiot ».

Dans cette zone à vocation essentiellement agro-pastorale, l’interdiction de l’activité agricole et de la pêche sur une aussi vaste étendue peut susciter des questions et des inquiétudes quand on sait que la survie des populations et l’économie locale reposent sur l’agriculture, l’élevage et la pêche. Il est vrai, au moment où le changement climatique a des effets néfastes sur la vie de l’Homme, la protection de l’environnement, grand rempart contre ce phénomène, est plus qu’un devoir pour l’Etat. Mais cela ne doit aucunement se faire au détriment des personnes qui habitent dans ce milieu depuis des années et qui n’ont nulle part où aller.

Interdire l’agriculture et la pêche sur une grande étendue mesurant 81 500 hectares alors que la superficie totale de la région même fait à peine 12 479 km2 (selon Population Data.net) fait dire que la création de ce parc risque de vite se transformer en un véritable cauchemar pour des milliers de paysans et pour la région. Car en raison de la croissance de la population, de l’infertilité des sols, du manque de matériels agricoles et du coût élevé des intrants et des insecticides, de plus en plus, beaucoup de villageois choisissent d’aller s’installer dans les zones où les sols sont plus favorables aux travaux champêtres et à l’élevage de la volaille et des ruminants.

Il faut aussi rappeler que le Mayo-Kebbi Ouest est considéré comme l’un des greniers du Tchad en raison de l’immense production annuelle des produits vivriers tels que le maïs, le mil, l’arachide, le sésame, la patate, le manioc, le taro, etc., qui proviennent des quatre départements concernés.    

Autre chose, en plus de l’arnaque des agents forestiers qui s’est accrue ces dernières années et qui va, à coup sûr, s’accroître avec la création de ce parc, plusieurs villages historiques comme il y en a dans le Mayo-Kebbi Ouest vont disparaître. Parce que leurs habitants vont être contraints de quitter la zone réservée au parc pour aller s’installer ailleurs. Ce qui risque d’être source de conflits fonciers, déjà nombreux dans la région.

Terminons par des interrogations. La création du parc, qui aura, d’évidence, de grandes répercussions sur les populations de toute une région, a-t-elle été précédée d’une étude d’impact social ? Si oui, que dit-elle et a-t-elle été vulgarisée auprès des populations ? L’élite de la région, qu’elle soit basée au niveau local ou ailleurs, a-t-elle a eu à dire son mot sur ses éventuelles conséquences ? Enfin, s’il est envisagé que les populations concernées doivent abandonner leurs champs et jardins, seront-elles indemnisées à juste titre ? Que peut-on attendre du parc en termes de recettes touristiques ?