Des proches des personnes arrêtées lors des manifestations du 20 octobre 2022 demandent leur libération. Elles témoignent sous le couvert de l’anonymat.

Dans cet espace public où le rendez-vous est pris, X, Y et Z n’ont pas eu du mal à nous repérer. Fatiguées, elles avancent tout de même lentement mais calmement vers nous. Arrivées à notre niveau, après les salutations d’usage, elles s’ouvrent à nous mais sous le couvert de l’anonymat. Ni leurs noms, ni ceux de leurs proches arrêtés lors des manifestations du 20 octobre 2022 ne sont donnés. Pour des raisons de sécurité, disent-elles, elles voudraient que l’entretien se déroule ainsi. Nous acceptons.

X confie que deux ses frères sont arrêtés le 21 octobre 2022. Ils n’ont pas manifesté, assure-t-elle. ‘’Ce sont des élèves. A la Maison d’arrêt de Klessoum où ils sont détenus, ils vivent très mal’’, déplore-t-elle.

Le mari de Y était de ceux qui ont manifesté. Ils faisaient partie des militants du parti Les Transformateurs qui ont été arrêtés à leur siège le 21 octobre 2022. Son bébé en main, elle est déboussolée.‘’On a de ses nouvelles mais il est toujours en détention. Mon mari mange difficilement. Je l’ai visité même hier. Lui et ses codétenus sont attaqués par la rougeole. A la maison, j’assure seule les charges. Je souffre avec les enfants (deux). Que les autorités aient pitié de nous’’, exprime-t-elle sa peine.

Le foulard que porte Z cache difficilement ses douleurs. Elle a pris le temps de mettre sur papier son récit pour ne rien éluder. Son mari a aussi été arrêté au siège des Transformateurs. Sans jugement, il croupit depuis plus de quatre mois à la Maison d’arrêt de Klessoum. ‘’Il est malade. Il a un souci au rein. Il a beaucoup maigri’’, decrit-elle l’état de son mari, après sa dernière visite qui remonte au 7 mars.

Sans l’appui de son homme, elle peine à supporter seule les charges de son foyer. Ses deux filles vivent aussi mal la situation.’’Les enfants tombent malades très souvent et ils demandent leur père. Ma fille d’un an, dès qu’elle voit un homme en tenue militaire, elle pleure et fuit. Celle de 4 ans déteste les policiers’’.

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, X,Y et Z interpellent les autorités à agir pour apaiser les cœurs. ‘’Aujourd’hui, c’est la journée internationale des droits des femmes mais nous d’autres femmes ne pouvons pas fêter parce que nos maris sont en prison’’, regrettent-elles.

Comme de nombreuses autres personnes, ces 4 détenus qui ont marché ou non, ont été arrêtées pendant et après les manifestations du 20 octobre 2022 contre la prolongation de la transition de deux ans.

Sur les 401 personnes traduites en procédure de flagrant délit, selon le procureur de la République près le tribunal de grande instance de N’Djaména, 262 prévenus sont condamnés à des peines d’emprisonnement ferme allant de deux à trois ans, 80 condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis, allant de 12 à 24 mois et 59 déclarés non coupables. 80 mineurs ont été libérés. Un nombre indéterminé de personnes attendent leur jugement.

Ces manifestations interdites par les autorités ont causé officiellement 73 morts. Ses organisateurs, le parti Les Transformateurs en tête, parle de plus de 300 morts. Depuis lors, son président, Dr Succès Masra, est en exil aux États-Unis.