En sillonnant la capitale tchadienne, N’Djamena, on aperçoit une galerie de bâtiments publics baignant entre deux architectures :celle néoclassique héritée de l’époque coloniale et une seconde du temps moderne. Un seul point commun relie ces bâtiments : C’est le manque d’entretien.

Des fissures dans toutes les directions, des traces de ruissellement des eaux pluviales et la condensation des climatiseurs sur les murs, des moisissures, des câbles de courant et communications qui pendouillent, un ravalement de façades d’une autre époque, des trous au sol et des organes électriques non fonctionnels qui servent de décor de misère.

Beaucoup d’exemples illustrent parfaitement ce constat amer. Prenons le cas du ministère des infrastructures qui résume scrupuleusement l’état de nos infrastructures en général, et les bâtiments publics en particulier.  A part l’immeuble qui abrite le cabinet du ministre, on aperçoit des vieux bâtiments où tout manque : les organes de lutte contre les incendies, les cheminements aménagés pour les personnes à mobilité réduite (handicapés), les équipements de sureté. Ce manque d’entretien ou négligence si on peut le dire représente l’esprit dans lequel ceux qui gèrent ce patrimoine voient le bien public. La cour du ministère n’est pas à l’abri non plus, pas des cheminements automobiles et piétons aménagés ni des places de parking spécifiées, moins encore des signalisations indicatives.  Pour les visiteurs, le risque d’égarement est très élevé.

Ministère des Finances et du Budget

D’un bâtiment vers un autre, les dysfonctionnements et les dégradations se diffèrent, de la Maison de la femme récemment construite où on constate dès l’entrée le décollement de la lettre M au niveau de l’enseigne “maison de la femme “, ou soit la faïence en carreaux de l’immeuble Sotel Tchad qui se décolle un à un sous le regard de toutes les personnes concernées.

La mairie de N’Djamena, l’entité responsable de l’embellissement de la ville est aussi concernée par ce constat. Abritée dans un bâtiment architecturalement admirable, la mairie centrale est dans un état de délabrement visible. Son enveloppe extérieure est en mauvais état :  la peinture s’écaille, les brise soleil des fenêtres se détachent et s’oxydent, on aperçoit des percements sur les murs extérieurs pour passer des réseaux de plomberie. Ce joyaux architectural négligé sous le regard du maire et son équipe qui se posent  fièrement avec des hôtes étrangers lors des cérémonies devant un arrière-plan qui en dit beaucoup sur la vision de cette mairie qu’elle porte sur elle-même . Ce genre de défaut est moins visible pour les habitués du lieu bien évidemment, mais pour un œil extérieur, la vétusté est trop flagrante de l’intérieur comme de l’extérieur, impossible de passer inaperçu.

Ministère de l’économie et de la planification du Développement

Le commissariat central de police, un des plus vieux bâtiments publics de la capitale est aussi dans la même lignée. En attendant les nouveaux locaux à N’djari dont l’inauguration est renvoyée aux calendes grecques, l’actuel commissariat ne fait la fierté de personne et nécessite de gros travaux de réhabilitation et rénovation.

Les exemples ne manquent pas pour élucider l’état pitoyable du parc immobilier étatique laissé à l’abandon par des responsables techniques qui ne cessent de prévariquer malgré les frais alloués chaque année dans le budget de l’état pour les travaux de rénovation et réfection.

Plusieurs solutions sont envisageables pour améliorer l’image de nos bâtiments publiques. Il faut déjà placer la barre trop haut en termes d’exigence sur l’état de bâtiments : s’inspirer des représentations étrangères au Tchad, dont leurs immeubles sont très bien entretenus tout au long de son exploitation avec des interventions de maintenance correctives et préventives, ou s’inspirer de la présidence de la République qui est en parfait état malgré son exploitation depuis une trentaine d’années, avec des travaux de rénovation continus.

Le siège du ministère en charge de l’Administration

Il faut aussi être exigeants sur les garanties après réception des bâtiments comme préconisait le code des marchés publiques en imputant à l’entrepreneur des retenues garanties pour le parfait achèvement et le bon fonctionnement d’un immeuble allant d’une année à dix ans. Cette close de garantie forcera les entreprises à bien veiller à la bonne exécution des ouvrages et les engageraient d’intervenir pour réparer toute anomalie pendant des années, à défaut, une entreprise tierce interviendra pour réparation à leur frais. 

En fin, il fait contractualiser avec des entreprises compétentes pour l’entretien et la maintenance avec une permanence des techniciens pendant la journée et des astreintes afin de d’intervenir et réparer tout dysfonctionnement technique, ou dégradation esthétique. Réparer le moindre default, rend à l’immeuble son aspect le plus beau, laisser un default, régresse l’immeuble et le rend moins beau.

Ahmat Adam

Ahmat Adam est un jeune ingénieur tchadien. fort de plusieurs années d’expériences dans la construction et montage des projets. Il a effectué son cursus universitaire entre la France et la Chine. Diplômé d’un Bachelor en Génie Civil en République populaire de Chine et d’un Master à l’école d’ingénieur polytech de Lille en France, il fait carrière chez le géant mondial du BTP Bouygues construction en tant qu’ingénieur Principal. Depuis quelques années il intervient régulièrement sur les thématiques liées aux infrastructures des pays en développement, et le Tchad en particulier avec des approches nouvelles. Il livre ses analyses et solutions sur les entraves qui minent le développement de ce secteur au Tchad.