Portrait – Chauffeur à la Présidence de la République du Tchad, chef du parc d’automobile, Botianana Trazzabei a été pendant 16 ans au service de la plus haute institution tchadienne. Aujourd’hui, sans emploi et victime d’inondation, il s’est installé sur le site des sinistrés de Walia.
Veste grise accompagnée d’un pantalon noir, Botianana Trazzabei nous reçoit au quartier Walia Hadjaraï, dans le 9e arrondissement de la ville de N’Djamena. Sous le soleil crépusculaire, l’homme nous montre sa nouvelle demeure : une tente construite à base des bâches située au milieu du site des sinistrés d’As-salam.
C’est sur ce site des sinistrés d’inondation qu’habite pour le moment l’ancien employé de la Présidence de la République du Tchad depuis le 24 octobre 2022. « Actuellement je suis victime des inondations et je suis obligé de mettre mes bagages sur le toit, et je suis venu faire un petit hangar ici pour habiter », explique-t-il.
Sous son hangar, l’ancien chauffeur à la Présidence du Tchad sous le règne d’Idriss Deby Itno pense à ses beaux moments de service. « J’étais recruté le 2 septembre 2003 à la Présidence de la République en tant que chauffeur. Après j’étais affecté au parc automobile de la Présidence et j’avais gagné une promotion du secrétaire de scénographe. J’avais servi la haute institution mais aujourd’hui on m’a fait cesser le travail, et je ne fais rien », se rappelle t-il.
Le chauffeur des présidents en visite au Tchad
Durant 16 ans, Botianana Trazzabei a passé sa vie à observer le monde à travers les vitres fumées des V8 (marque de véhicule) du Palais Rose. Il a travaillé au sein de la haute institution tchadienne de 2003 à 2019. Il faisait partie du cortège du feu président, maréchal Idriss Deby Itno. Avec un calendrier bien chargé, il était celui qui conduisait les présidents étrangers en visite au Tchad à l’époque. « Quand les hautes marques arrivent, c’est moi qui organisais tout. Je mettais les véhicules à leurs dispositions, je faisais des demandes de carburant et autres nécessaires qui touchent la logistique. Je conduisais les présidents des pays africains et ceux de la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale ».
Le cauchemar de Botianana Trazzabei
Le 5 décembre 2019, le chef du parc automobile de la Présidence a vu sa vie tourner au cauchemar. Lui et plusieurs de ses collègues ont été révoqués de leurs fonctions. « Comment j’ai perdu ce travail ? Je ne sais rien. Je n’avais pas volé, je n’ai rien fait mais on m’a révoqué. Je ne sais même pas les mobiles de ma révocation. On était nombreux à être révoqué », dit-il, pantois.
Aujourd’hui, l’ex-chauffeur du Palais Rose chôme à la maison sans avoir perçu ses droits sociaux. « J’ai écrit au président Mahamat Idriss Deby, et la réponse m’est parvenue avec satisfaction. Seulement le ministre des Finances m’avait déçu. Le président a ordonné qu’on nous paie, mais jusque-là ils ne nous ont pas payés », lâche-t-il. Sans travail, ni de revenu, le père de cinq enfants s’accroche sur le dos de son épouse pour survivre. « Depuis trois ans, c’est ma femme qui se débrouille en faisant l’alcool traditionnel, des beignets pour nous prendre en charge. La situation est devenue trop critique. Ces deux derniers jours, nous remercions Dieu et le groupe Arabe contractor, car ils nous ont assistés avec des vivres ».
L’entrée à la présidence
Ce quinquagénaire n’est pas entré à la Présidence de la République avec des diplômes. Il est un homme bourré d’expériences et de connaissances auprès des grands commis de l’Etat. « Avant j’étais transporteur. Je faisais des navettes dans de petits marchés. Après le bon Dieu m’a souri comme j’étais avec Ngombaye Djaïbé, c’est un cousin. En 2003, il était nommé conseiller à la santé à la présidence de la République, et c’est lui qui m’a amené à la présidence », confie-t-il.
La conduite des véhicules et Botianana Trazzabei, c’est une histoire de longue date. Il a embrassé ce métier à l’adolescence. « J’ai commencé à conduire depuis 1978, avant les évènements de 1979, j’étais déjà conducteur. J’avais un oncle, directeur de la météorologie nationale. Quand il part en voyage, je m’exerçais, c’est ainsi que j’ai appris à conduire ».